Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
étaient amenés par les vents jusque dans le port de Constantinople, qui
attira pendant plusieurs siècles tout le commerce de l’ancien monde [1797] .
Le spectacle de la beauté, de la sûreté et de la richesse
réunies dans ce coin de la terre, suffisait pour justifier le choix de
Constantin. Mais, comme on avait jugé décent dans tous les temps d’attribuer
l’origine des grandes villes [1798] à quelque prodige fabuleux qui pût l’environner d’une majesté convenable,
l’empereur voulût persuader que sa résolution lui avait été dictée moins par
les conseils incertains de la politique humaine, que par les infaillibles
décrets de la divine sagesse. Dans une de ses lois, il a pris soin d’instruire
la postérité que c’était par l’ordre exprès de Dieu qu’il avait posé les
inébranlables fondements de Constantinople [1799] ;
et quoiqu’il n’ait pas jugé à propos de raconter de quelle manière la céleste
inspiration s’était communiquée à son esprit, l’imagination des écrivains de
l’âge suivant a libéralement suppléé à son modeste silence. Ils ont rapporté
avec détail la vision nocturne qui apparut à Constantin endormi sous les murs
de Byzance. Le génie tutélaire de la ville, sous la figure d’une vieille
matrone affaissée par le poids de l’âge et des infirmités, fut tout à coup
changé en une jeune fille fraîche et brillante, que l’empereur revêtit lui-même
des ornements de la dignité impériale [1800] .
Le monarque s’éveilla, interpréta le songe mystérieux, et obéit sans hésiter à
la volonté du ciel. Le jour où la ville, ou bien une colonie prenait naissante,
était célébré, chez les Romains avec toutes les cérémonies que peut inventer
une superstition libérale [1801] .
Constantin omit peut-être quelques-unes de ces pratiques qui semblaient tenir
trop fortement de leur origine païenne, mais il ne négligea rien pour laisser
dans l’esprit des spectateurs une profonde impression d’espérance et de vénération.
L’empereur à pied, une lance à la main, conduisait solennellement le cortége,
et dirigeait le sillon destiné à tracer l’enceinte de la capitale ; il le
fit continuer si longtemps que les spectateurs en furent étonnés. Quelques-uns
lui ayant fait observer qu’il avait déjà excédé les plus vastes dimensions
d’une grande ville : J’avancerai , répondit Constantin, jusqu’à
ce que le guide invisible qui marche devant moi juge à propos de m’arrêter [1802] . Sans prétendre
expliquer la nature ou les motifs de cet extraordinaire conducteur, nous nous
bornerons modestement à décrire l’étendue et les limites de Constantinople [1803] .
Dans l’état où est aujourd’hui la ville, le palais et les
jardins du sérail occupent le promontoire oriental, la première des sept
collines, et renferment environ cent cinquante acres anglais. Le siège de la
défiance du despotisme ottoman est posé sur les fondations d’une république
grecque ; mais il est probable que les Byzantins avaient été tentés par la
commodité du port, d’étendre leurs habitations de ce côté, au-delà des limites
actuelles du sérail. Les nouveaux murs de Constantin commençaient au port et
joignaient la Propontide, à travers le diamètre élargi du triangle, à la
distance de quinze stades de l’ancienne fortification, et, avec la ville de
Byzance, on y renferma cinq des sept collines, qu’en approchant de
Constantinople on voit s’élever l’une au-dessus de l’autre, avec une
majestueuse régularité [1804] .
Environ cent ans après la mort du fondateur, les nouveaux bâtiments furent
continués d’un côté jusqu’au port, et de l’autre le long de la Propontide. Ils
couvraient déjà la pointe étroite de la sixième colline, et le large sommet de
la septième. La nécessité de défendre ces faubourgs contre les invasions
fréquentes des Barbares engagea Théodose le Jeune à entourer à demeure sa
capitale d’une enceinte de murs qui en renfermaient toute l’étendue [1805] . Du promontoire
oriental à la portes d’or, là plus grande longueur de Constantinople était
environ de trois milles romains [1806] ;
sa circonférence était de dix à onze, et sa surface peut être calculée comme
égale à deux mille acres anglais. On ne peut excuser la crédulité et les
exagérations des voyageurs modernes, qui comprennent quelquefois dans les
limites de Constantinople les villages adjacents de la rive
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