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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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guère mériter
l’épithète de vaste qu’Homère et Orphée donnent souvent à l’Hellespont.
Mais nos idées de grandeur sont d’une nature relative ; le voyageur, et surtout
le poète qui naviguait sur l’Hellespont, oubliait insensiblement la mer. En
suivant ses détours et en contemplant le spectacle champêtre qui termine de
tous côtés cette riante perspective, son imagination séduite lui peignait ce
détroit fameux avec tous les attributs d’une rivière majestueuse, qui coulait
rapidement à travers une contrée couverte de bois, et versait enfin ses eaux
par une vaste embouchure dans la mer Égée, ou Archipel [1791] . L’ancienne
Troie [1792] ,
située sur une éminence au pied du mont Ida, voyait à ses pieds l’entrée de
l’Hellespont, qui y reçoit à peine quelques eaux des immortels ruisseaux du
Simoïs et du Scamandre. Le camp des Grecs occupait un espace de douze milles le
long du rivage entre le promontoire de Sigée et celui de Rhète ; et les
flancs de leur armée étaient défendus par les chefs les plus  courageux de ceux
qui combattaient sous les drapeaux d’Agamemnon. Le premier de ces promontoires
était occupé par Achille et ses invincibles Myrmidons. L’indomptable Ajax
occupait l’autre. Quand Ajax eut péri victime de son orgueil déçu et de
l’ingratitude des Grecs, on éleva son tombeau dans l’endroit où il avait
défendu la flotte contre la fureur de Jupiter et d’Hector ; et les
habitants de la ville de Rhète, que l’on commençait à bâtir, lui accordèrent
les honneurs divins [1793] .
Constantin, avant de donner à la situation de Byzance la préférence qu’elle
méritait, avait eu dessein de placer le siège de l’empire sur ce terrain
fameux, d’où les Romains prétendaient tirer leur fabuleuse origine. Il avait
choisi, pour bâtir sa nouvelle capitale, la vaste plaine qui s’étend au-dessous
de l’ancienne Troie vers le promontoire de Rhète et le tombeau d’Ajax ; et
quoique cette idée ait été bientôt abandonnée, les restes imposants des tours
et des murs imparfaits de la ville, commencée attirèrent longtemps les yeux et
l’attention des navigateurs [1794] .
    Ce tableau succinct doit avoir mis le lecteur en état
d’apprécier les avantages de la position de Constantinople. La nature semble
l’avoir formée pour être la capitale et le centre d’un grand empire. Située au
41 e degré de latitude, la ville impériale dominait, du haut de ses
sept Collines [1795] ,
les rives de l’Europe et de l’Asie. Le climat était sain et tempéré, le sol
fertile, le port vaste et sûr. Le seul endroit susceptible d’être attaqué du
côté du continent, était d’une petite étendue et d’une défense facile. Le
Bosphore et l’Hellespont sont pour ainsi dire les deux portes de
Constantinople ; et le prince qui était, le maître de ces passages
importants pouvait toujours les fermer aux flottes des ennemis, et les ouvrir à
celles du commerce. Les provinces de l’Orient durent en quelque sorte leur
salut à la politique de Constantin. Les Barbares de l’Euxin, qui dans le siècle
précédent, avaient conduit leurs flottes jusqu’au centre de la Méditerranée,
désespérant de forcer cette barrière insurmontable, renoncèrent bientôt à leurs
pirateries. Lorsque les portes du Bosphore et de l’Hellespont étaient fermées,
la capitale n’en souffrait point. Les denrées de nécessité et les jouissances
du luxe et de l’opulence se trouvaient en abondance dans sa spacieuse enceinte.
Les côtes maritimes de la Thrace et de la Bithynie, accablées sous le poids du
despotisme ottoman, présentent encore une riche perspective de vignes, de
jardins et de terres fertiles et cultivées ; et la Propontide a toujours
été renommée par la qualité inépuisable de ses poissons délicieux : ils s’y
rendent régulièrement tous les ans dans la même saison, et on peut en pêcher
abondamment sans adresse et presque sans peine [1796] . Quand le
passage des détroits était ouvert au commerce, toutes les richesses de la
nature et de l’art s’y rendaient du nord et du sud, par l’Euxin et par la
Méditerranée. Tout ce que pouvaient fournir de grosses denrées les forêts de la
Germanie et de la Scythie, depuis les sources du Tanaïs et du Borysthéne ;
tous les produits de l’industrie de l’Europe et de l’Asie, les blés de
l’Égypte, les pierres précieuses et les épices des parties les plus reculées de
l’Inde,

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