Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
Phidias.
L’artiste avait représenté le dieu du jour, ou, comme on a prétendu depuis,
Constantin lui-même, avec un sceptre dans la main droite, le globe du monde
dans la gauche, et une couronne de rayons étincelants sur sa tête [1819] . Le Cirque, ou
l’Hippodrome était un bâtiment majestueux d’environ quatre cents pas de
longueur et cent pas de largeur [1820] .
L’espace qui séparait les deux bornes était rempli d’obélisques et de
statues ; et l’on y remarque encore un singulier monument de l’antiquité,
les corps de trois serpents entrelacés formant un pilier de cuivre. Leur triple
tête avait soutenu autrefois le trépied d’or qui fut consacré dans le temple de
Delphes par les Grecs, après la défaite de Xerxès et leur victoire [1821] . Il y a déjà
longtemps que l’Hippodrome a été défiguré par les mains barbares des
conquérants turcs. Cependant, sous la dénomination équivalente d’Atméidan, il
sert encore aujourd’hui d’emplacement pour exercer les chevaux [1822] . Du trône d’où
l’empereur voyait les jeux du Clique, un escalier tournant [1823] le conduisait
au palais. Ce magnifique édifice le cédait à peine au palais de Rome ;
avec les cours, les jardins et les portiques qui en dépendaient, il couvrait
une étendue considérable de terrain, sur les bords de la Propontide, entre
l’Hippodrome et l’église de Sainte-Sophie [1824] .
On pourrait aussi faire la description et l’éloge des bains qui conservèrent
toujours le nom de Zeuxippe , même après avoir été enrichis par la
libéralité de Constantin, de superbes colonnes de marbres de toute espèce et
de plus de soixante statues de bronze [1825] ;
mais ce serait s’écarter du but de cette histoire que de s’attacher à décrire
minutieusement les bâtiments et les différents quartiers de la ville. Il
suffira de dire que tout ce qui peut contribuer à la magnificence et à la
majesté d’une vaste capitale, ainsi qu’au bien-être et aux plaisirs de ses
nombreux habitants, se trouvait en abondance à Constantinople. Une description
qui fut faite cent ans après sa fondation, y compte un Capitole ou école
pour les sciences, un cirque, deux théâtres, huit bains publics et cent
cinquante-trois bains particuliers, cinquante-deux portiques, cinq greniers
publics, huit aqueducs ou réservoirs d’eau, quatre grandes salles ou cours de
justice où s’assemblait le sénat, quatorze églises, quatorze palais, et quatre
mille trois cent quatre-vingt-huit maisons que leur grandeur et leur
magnificence distinguaient de la multitude des habitations du peuple [1826] .
La population de cette ville favorite fut, après sa
fondation, l’objet de la plus sérieuse attention de son fondateur. Dans
l’obscurité des temps postérieurs à la translation de l’empire, les suites soit
prochaines, soit éloignées de cet événement mémorable, furent étrangement
altérées et confondues par la vanité des Grecs et par la crédulité des Latins [1827] . On assura et
on crut que toutes les familles nobles de Rome, le sénat et l’ordre équestre,
avec le nombre prodigieux de gens qui leur appartenaient, avaient suivi leur
empereur sur les bords de la Propontide ; qu’il n’avait laissé à Rome, pour
peupler la solitude de cette ancienne capitale, qu’une race bâtarde d’étrangers
et de plébéiens, et que les terres d’Italie, depuis longtemps converties en
jardins, se trouvèrent à la fois sans culture et sans habitants [1828] . Dans le cour
de cette histoire, de pareilles exagérations seront réduites à leur juste
valeur. Cependant, comme on ne peut attribuer l’accroissement de Constantinople
à l’augmentation générale du genre humain ou à celle de l’industrie, il faut bien
que cette colonie se soit élevée et enrichie aux dépens des autres villes de
l’empire. Il est probable que l’empereur invita un grand nombre des riches
sénateurs de Rome et des provinces orientales à vernir habiter l’endroit
fortuné qu’il avait choisi pour en faire sa propre résidence. Les invitations
d’un maître ressemblent beaucoup à des ordres ; et l’empereur y ajoutait
des libéralités qui obtenaient une obéissance prompte et volontaire. Il fit
présent à ses favoris des palais dans les différents quartiers de la ville ; il
leur donna des terres et des pensions pour soutenir leur rang [1829] ; et il
aliéna les domaines du Pont et de l’Asie, pour leur assurer des
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