Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
de
Constantinople [1845] a prévalu sur cette honorable dénomination, et, après une révolution de
quatorze siècles, il perpétue encore la renommée de Constantin [1846] .
La fondation d’une nouvelle capitale se trouve
nécessairement liée avec l’établissement d’une nouvelle forme d’administration
civile et militaire. Un exposé distinct du système compliqué de la politique
introduite par Dioclétien, suivie par Constantin, et perfectionnée par ses
premiers successeurs, offrira non seulement à l’imagination le tableau singulier
d’un grand empire, mais aidera en même temps à découvrir les causes secrètes de
sa rapide décadence. La recherche de quelques institutions remarquables pourra
nous faire remonter souvent aux temps les plus reculés de l’histoire romaine,
et nous ramener quelquefois ses époques les plus récentes ; mais ce qui fera
spécialement l’objet de nos recherches ne s’étendra pas au delà des cent trente
années qui se sont écoulées depuis l’avènement de Constantin, jusqu’à la
publication du code de Théodose [1847] .
C’est dans ce code et dans la Notitia de l’Orient et de l’Occident [1848] que nous avons
aise le plus grand nombre de nos remarques et les détails les plus authentiques
sur l’état de cet empire. Ces éclaircissements retarderont un peu la marche de
l’histoire, mais cette suspension ne déplaira qu’aux lecteurs superficiels qui
ignorent combien est importante la connaissance des lois et des mœurs, et qui
ne repaissent leur avide curiosité que des intrigues passagères d’une cour ou
de l’issue d’une bataille.
Le sage orgueil des Romains, content de la réalité du
pouvoir, abandonnait à la vanité de l’Orient les formes et les cérémonies, de
la représentation [1849] ;
mais quand ils eurent perdu jusqu’à l’image des vertus dont leur ancienne
liberté avait été la source, la simplicité de leurs manières disparut
insensiblement, et les Romains s’abaissèrent jusqu’à imiter la fastueuse
affectation des courtisans de l’Asie. Les distinctions du mérite personnel son
influence si brillante dans une république, si faible et si obscure dans une
monarchie, furent abolis par le despotisme des empereurs. Tous les rangs,
toutes les dignités furent asservies à une subordination sévère, depuis
l’esclave titré, assis sur les degrés du trône, jusqu’aux plus vils instruments
du pouvoir arbitraire. Cette multitude de serviteurs abjects étaient intéressés
à maintenir le nouveau gouvernement, dans la crainte qu’une révolution ne
détruisit leurs espérances, et ne leur enlevât le prix de leurs services. Dans
cette divine hiérarchie (c’est le titre qu’on lui donne souvent), chaque rang
était marqué avec la plus scrupuleuse exactitude ; et chaque dignité était
asservie à une quantité de vaines cérémonies, dont il fallait faire son étude,
et qu’on ne pouvait négliger sans commettre un sacrilège [1850] . La pureté de la
langue latine se corrompit en acceptant une profusion d’épithètes enfantées par
la vanité des uns et par la bassesse des autres. Cicéron les aurait à peine
entreprises, et au reste les aurait rejetées avec indignation. Les principaux
officiers de l’empire recevaient de l’empereur lui-même les titres mensongers
de votre sincérité , votre gravité , votre éminence , votre
excellence , votre sublime grandeur , votre illustre et magnifique
altesse [1851] .
Les titres ou patentes de leur office étaient blasonnés et chargés d’emblèmes,
qui en expliquaient les fonctions et la dignité ; on’ y voyait le portrait
de l’empereur régnant, un char de triomphe, le registre des édits placé sur une
table couverte d’un riche tapis, et éclairée de quatre flambeaux, la figure
allégorique des provinces qu’ils gouvernaient, les noms et les étendards des
troupes qu’ils commandaient. Quelques-unes de ces enseignes officielles étaient
exposées à la vue dans leurs salles d’audience ; d’autres précédaient la
pompe de leur marche quand ils paraissaient en public ; enfin, dans toutes
les circonstances, leur magnificence et celle de leur suite nombreuse tendaient
à inspirer le plus profond respect pour les représentants de la majesté
suprême. Un observateur philosophe aurait pu regarder le système du
gouvernement romain comme un magnifique théâtre rempli d’acteurs, qui, jouant
différents rôles, répétaient les discours et imitaient
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