Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
enveloppé dans les
ombres de l’obscurité infernale, les rayons favorables d’une lumière céleste
éclairaient et échauffaient les heureuses contrées de l’Occident. La piété de
Constantin était regardée comme une preuve incontestable de la justice de sa
cause, et l’usage qu’il fit de la victoire démontra facilement aux chrétiens
que leur héros était conduit et protégé par le Dieu des armées. La conquête de
l’Italie amena un édit général de tolérance ; et, dès que la défaite de
Licinius eut donné à Constantin la souveraineté entière de l’empire, il exhorta
tous ses sujets, par des lettres circulaires, à imiter sans délai l’exemple de
leur souverain, et recevoir les divines vérités de la foi chrétienne [2194] .
La persuasion où étaient les chrétiens que la gloire de
Constantin servait d’instrument aux décrets de la Providence, imprimait dans
leur imagination deux idées qui, par des moyens très différents, servaient
également à faire réussir la prophétie. Leur fidélité active et pleine de zèle,
épuisait en sa faveur toutes les ressources de l’industrie humaine et ils
étaient intimement convaincus que le ciel seconderait leurs constants efforts
par un secours miraculeux. Les ennemis de Constantin ont attribué à des motifs
intéressés l’alliance qu’il forma insensiblement avec l’Église catholique, et
qui semble avoir contribué aux succès de son ambition. Au commencement du
quatrième siècle, les chrétiens composaient encore un bien petit nombre
relativement à la population de l’empire ; mais parmi des peuples dégénérés,
qui regardaient la chute ou l’élévation d’un nouveau maître avec une
indifférence d’esclaves, le courage et l’union d’un parti religieux pouvaient
contribuer aux succès du chef auquel ses adhérents dévouaient, par principes de
conscience, leur fortune et leur vie [2195] .
Constantin avait appris, par l’exemple de son père, à estimer et à récompenser
le mérite des chrétiens ; et dans la distribution des offices publics, il avait
l’avantage d’affermir son gouvernement par le choix de ministres et de généraux
sur la fidélité desquels il pouvait justement se reposer avec une confiance
sans réserve. L’influence de missionnaires si distingués devait multiplier les
prosélytes de la nouvelle doctrine à la cour et dans les armées. Les Barbares
de la Germanie, qui remplissaient les rangs des légions, acquiesçaient sans
résistance et par pure indifférence à la religion de leur commandant ; et on
peut raisonnablement supposer que quand elles passèrent les Alpes, un grand
nombre de soldats avaient déjà consacré leur épée au service du Christ et de
Constantin [2196] .
L’habitude générale et le zèle de la religion diminuèrent insensiblement
l’horreur que les chrétiens avaient si longtemps conservée pour la guerre et
pour l’effusion du sang. Dans les conciles qui s’assemblèrent sous la
protection bienveillante de Constantin, les évêques ratifièrent, par leur
autorité, l’obligation du serment militaire, et infligèrent la peine
d’excommunication aux soldats qui quittaient leurs armes durant la paix de
d’Église [2197] .
En même temps que Constantin augmentait dans ses États le nombre et le zèle de
ses fidèles partisans, il se procurait une faction puissante, dans les
provinces qui obéissaient encore à ses rivaux. Une méfiance et un
mécontentement secrets se répandaient parmi les sujets chrétiens de Maxence et
de Licinius ; le ressentiment que ce dernier ne chercha point à cacher, ne
servit qu’à augmenter leur attachement pour son compétiteur. La correspondance
régulière qu’entretenaient les évêques des provinces les plus éloignées, leur
donnait la facilité de se communiquer leurs désirs et leurs desseins et de
faire passer, sans danger des avis utiles ou des contributions pieuses à Constantin
qui avait déclaré publiquement qu’il ne prenait les armes que pour la liberté
de l’Église [2198] .
L’enthousiasme des troupes, que l’empereur partageait
peut-être, animait leur courage et satisfaisait leur conscience. Elles
marchaient au combat, convaincues que ce Dieu qui avait ouvert un passage aux
Israélites à travers les eaux du Jourdain, qui avait fait tomber les murs de
Jéricho au son des trompettes de Josué, déploierait sa puissance et sa majesté
visible en faveur de Constantin. Tous les témoignages de
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