Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
implorèrent et éprouvèrent la clémence de l’empereur ; il les
transporta dans un territoire avantageusement situé, près de Chalcis en Syrie,
et il donna à Pusæus, leur gouverneur, une place distinguée dans son service et
dans son amitié. Mais l’imprenable forteresse de Thilutha se voyait en état de
dédaigner la menace d’un siège, et il fallut que l’empereur se contentât de la
promesse insultante, que lorsqu’il aurait subjugué les provinces intérieures de
la Perse, Thilutha ne refuserait plus d’embellir son triomphe. Les habitants
des villes ouvertes, hors d’état de faire résistance, et ne voulant pas céder,
s’enfuirent avec précipitation. Les soldats romains occupèrent leurs maisons
pleines de richesses et de provisions, et massacrèrent, sans remords et avec
impunité, quelques femmes sains défense. Durant la marche, le Surenas, ou
général persan, et Malek-Rodosaces, fameux émir de la tribu de Gassan [2753] , harcelaient
sans cesse l’armée impériale : ils enlevaient tous les traîneurs ; ils
attaquaient tous les détachements, et le vaillant Hormisdas eut quelque peine à
s’échapper de leurs mains ; mais enfin on les repoussa. Le pays devenait chaque
jour moins favorable aux opérations de la cavalerie ; et quand l’armée arriva à
Macepracta, on aperçut les ruines de la muraille qu’avaient construite les anciens
rois d’Assyrie, pour mettre leurs domaines à l’abri des incursions des Mèdes.
Ces commandements de l’expédition de Julien paraissent avoir employé quinze
jours, et on peut compter environ trois cents milles de la forteresse de
Circesium au mur de Macepracta [2754] .
La fertile province d’Assyrie [2755] , qui se
prolongeait au-delà du Tigre jusqu’aux montagnes de la Médie [2756] , formait une
étendue d’environ quatre cents milles, de l’ancien mur de Macepracta au
territoire de Basra, où l’Euphrate et le Tigre réunis ont leur embouchure dans
le golfe Persique [2757] .
Tout ce territoire peut réclamer le nom de Mésopotamie, puisque les deux
fleuves, qui ne sont jamais éloignés de plus de cinquante milles l’un de
l’autre, ne se trouvent entre Bagdad et Babylone qu’à vingt-cinq milles de
distance. Une foule de canaux creusés sans beaucoup de travail, dans une terre
molle, établissaient la communication des deux rivières, et coupaient la plaine
d’Assyrie. Ils servaient à plusieurs usages importuns : ils conduisaient les
eaux superflues d’une rivière dans l’autre, à l’époque de leurs inondations
respectives. Divises et subdivises en un grand nombre de petites branches, ils
arrosaient les terres sèches, et suppléaient à la pluie ; ils facilitaient en
temps de paix les communications nécessaires pour le commerce ; et, comme on
pouvait en un moment briser les écluses, ils offraient au désespoir des
habitants le moyen d’arrêter, par une inondation, les progrès de l’ennemi. La
nature avait refusé au sol et au climat de l’Assyrie, le vin, l’olive, le
figuier, et quelques autres de ses dons les plus précieux ; mais elle y
produisait, avec une fertilité inépuisable, tout ce qu’exige la subsistance de
l’homme, et en particulier le froment et l’orge. Il n’était pas rare de voir le
grain semé par le cultivateur, rapporter jusqu’à deux et même trois cents pour
un. D’innombrables palmiers y formaient une multitude de bocages [2758] , et les
industrieux habitants du pays célébraient en vers et en prose les trois cent
soixante usages qu’on faisait du tronc, des branches, des feuilles, du suc et
du fruit de cet arbre si utile. Divers genres d’ouvrages, particulièrement les
cuirs et les toiles, occupaient l’industrie d’un peuple nombreux, et
fournissaient des matières précieuses au commerce extérieur, dont il paraît
toutefois que des étrangers dirigeaient seuls l’entreprise. Babylone avait été
convertie en un parc royal ; mais près des ruines de l’ancienne capitale, de
nouvelles villes s’étaient formées successivement, et la multiplicité des,
bourgs et des villages, bâtis avec des briques séchée, au soleil, et cimentées
avec du bitume, productions particulières au canton, annonçaient la population
du pays. Sous le règne des successeurs de Cyrus, la province d’Assyrie
fournissait seule, durant quatre mois de l’année, à la somptueuse abondance de
la table et de la maison du grand roi. Ses chiens de l’Inde absorbaient les
revenus de quatre gros villages
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