Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
le système politique de l’empire. Tant qu’Aspar avait avili par sa
tyrannie la majesté du trône, des motifs secrets d’intérêt et de religion
l’avaient engagé à favoriser Genseric : mais dès que Léon fut délivré de
cette ignominieuse servitude, il écouta les plaintes des Italiens, résolut de
chasser les Vandales de l’Afrique, et déclara son alliance avec son collègue
Anthemius, qu’il plaça solennellement sur le trône de l’Occident.
On a peut-être exagéré les vertus d’Anthemius comme
l’illustration de son origine, que l’on faisait remonter à une suite
d’empereurs, quoique l’usurpateur Procope soit le seul de ses ancêtres qui ait
été honoré de la pourpre [4061] ; mais le mérite de ses derniers parents, leurs dignités et leurs richesses,
plaçaient Anthemius au nombre des plus illustres sujets de l’empire d’Orient.
Procope, son père, avait obtenu, au retour de son ambassade en Perse, le rang de
général et de patrice : le nom d’Anthemius venait de son grand-père maternel,
le célèbre préfet qui gouverna l’empire avec tant de sagesse et de succès
durant l’enfance de Théodose. Le petit-fils du préfet sortit, en quelque façon,
de la classe des sujets par son mariage avec Euphémie, fille de l’empereur
Marcien. Cette alliance illustre, qui aurait pu suppléer au défaut de mérite,
hâta l’élévation d’Anthemius aux dignités successives de comte, de maître
général, de consul et de patrice, et ses talents ou la fortune lui valurent
l’honneur d’une victoire qu’il remporta sur les Huns, près des bords du Danube.
Le gendre de Marcien pouvait, sans être accusé d’une ambition extravagante,
espérer de devenir son successeur ; mais Anthemius soutint avec un courage modeste
la perte de cette espérance ; et son élévation à l’empire d’Occident eut
généralement l’approbation du public, qui le jugea digne du trône jusqu’au
moment où il y fut placé [4062] (12 avril 467). L’empereur d’Occident partit de Constantinople, suivi de plusieurs
comtes de la première distinction, et d’une garde dont la force et le nombre
équivalaient presque à une armée régulière. Il entra dans Rome en triomphe, et
le choix de Léon fut confirmé par le sénat, par le peuple et par les Barbares
confédérés de l’Italie [4063] .
Après la cérémonie de son inauguration, Anthemius célébra le mariage de sa
fille avec le patrice Ricimer : et cet heureux événement parut devoir assurer
l’union, de l’empire et sa prospérité. On étala pompeusement, à cette occasion,
les richesses des deux empires, et un grand nombre de sénateurs consommèrent
leur ruine par leurs efforts pour déguiser leur pauvreté. Durant ces fêtes,
toutes les affaires furent suspendues, les tribunaux demeurèrent fermés ; les
rues de Rome, les théâtres et les places publiques, retentirent des danses et
des chants de l’hyménée ; et la princesse, vêtue d’une robe de soie et la
couronne sur la tête, fut conduite au palais de Ricimer, qui avait changé son
habit militaire contre la robe de consul et de sénateur. Dans cette occasion,
Sidonius, dont l’ambition et les premières espérances avaient été si
cruellement déçues, parut comme orateur de l’Auvergne parmi les députés des
provinces qui venaient adresser au nouveau souverain leurs plaintes ou leurs
félicitations [4064] (1 er janvier 468). On approchait des calendes de janvier ; et le
poète vénal qui avait aimé Avitus et estimé Majorien, célébra, à la
sollicitation de ses amis, en vers héroïques, le mérite, le bonheur, le second
consulat et les triomphes futurs de l’empereur Anthemius. Sidonius prononça
avec autant de succès que de confiance, un panégyrique qui existe encore ; et
quels que fussent les défauts du sujet ou de la composition, le flatteur n’en
obtint pas moins aussitôt pour récompense la préfecture de Rome. Cette dignité
le plaça au nombre des premiers personnages de l’empire, jusqu’au moment où il
la quitta sagement pour les titres plus respectables d’évêque et de saint [4065] .
Les Grecs exaltent la foi et la piété de l’empereur qu’ils
donnèrent à l’Occident, et ils ont soin d’observer qu’en quittant
Constantinople, Anthemius convertit son palais en un local qu’il consacra à
plusieurs fondations pieuses, comme des bains, une église et un hôpital pour
les vieillards [4066] .
Cependant quelques apparences suspectes ternissent
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