Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
d’avril échoue, mais l’OAS survit, organisation terroriste qui tue « qui elle veut, quand elle veut, où elle veut ». Durant l’été, la terreur et la contre-terreur multiplient les victimes et les actes spectaculaires, l’automne 1961 devenant pour une partie des Français d’Algérie — que l’OAS n’a pas assassinés — la saison de l’espérance. Ils espèrent qu’échoueront les négociations entamées à Évian,et commence alors une période d’attentats qui s’étend à la métropole : plus de 100 en janvier-février 1962, en France ; plus de 800 en Algérie, partie FLN, partie OAS, partie anti-OAS.
Au cessez-le-feu et aux accords d’Évian de mars 1962, qui reconnaissent l’indépendance de l’Algérie, approuvée par un référendum, l’OAS répond par la terreur et la terre brûlée, contrôlant Bab el-Oued, en en faisant une sorte de Fort-Chabrol, incendiant la bibliothèque d’Alger… Pourtant, en dépit de ses ordres et de l’exaspération des combats, l’exode a commencé depuis que le putsch des généraux a échoué, que Challe et Salan ont été arrêtés, que Soustelle et Bidault ont disparu… Avril et mai 1962 voient l’exode massif des « pieds-noirs », tandis que l’armée, pour pouvoir assurer leur départ, abandonne une partie des harkis à un sort tragique. Une autre partie, pourtant, est ramenée en métropole. Sur le Chanzy et la Ville d’Oran , les rapatriés entonnent le refrain de la môme Piaf, « Non, je ne regrette rien », avant qu’Enrico Macias ne chante la nostalgie de « son pays perdu ».
De Gaulle et la décolonisation de l’Afrique noire
Dès octobre 1956, au moment de Suez, de Gaulle avait dit au prince héritier du Maroc, Moulay Hassan : « L’Algérie sera indépendante, qu’on le veuille ou non. Alors, le tout sera le comment. » « Ce sera long, il y aura de la casse, beaucoup de casse », avait-il commenté à Jean Amrouche. Il y en eut. Et dure fut la route des accords d’Évian, puis celle qui fut menée contre le nouveau putsch des généraux : que le général Challe, en 1962, eût fait appel aux civils pieds-noirs, et la crise aurait connu un sort encore plus tragique ; mais il n’a pas voulu suivre le général Salan sur cette voie, et l’OAS fut brisée.
M ITTERRAND ET D EFFERRE : DEUX PRÉCURSEURS
La décolonisation fut bien plus aisée en Afrique noire, et de Gaulle put la mener à son terme, sans que le sang necoule vraiment, parce que des prédécesseurs avaient pu ouvrir la tranchée. D’une certaine façon, en métropole, le pionnier en fut François Mitterrand qui, au ministère de la France d’outre-mer, appliqua le principe ad augusta per angusta . D’un côté, il sut nouer des rapports étroits avec les leaders du Rassemblement démocratique africain d’Houphouët-Boigny, le détachant de ses amis, compagnons de route du Parti communiste, tel Arboussier ; de l’autre, comme ministre de la France d’outre-mer, il conduisit sa politique « jusqu’à un seuil de non-retour grâce à l’indifférence des milieux métropolitains et à l’inattention générale ». Il est vrai qu’en Afrique noire la mise sur pied d’une vie politique représentative ou pseudo-représentative ne se heurta pas à la puissance des colons, qui faisaient rarement souche. « La compréhension de l’UDSR, dit Houphouët-Boigny, le sens politique dont elle fait preuve et la confiance qu’elle nous témoigne ont décidé du cours des événements de l’Afrique noire française » (1955). Ainsi, des leaders africains collaborent d’égal à égal avec des partis politiques métropolitains — ce qui n’était pas le cas pour l’Algérie ; l’exemple de l’UDSR n’est pas unique, puisque la SFIO collabore aussi étroitement avec le parti rival du RDA, les Indépendants d’outre-mer de Léopold Sédar Senghor, qui lance l’idée d’une République fédérale africaine… Mais la SFIO est beaucoup plus frileuse : il est vrai qu’elle est forte au Parlement et que les élus africains lui sont moins nécessaires qu’à l’UDSR…
C’est dans le creux du 6 février 1956, à Alger, que Gaston Defferre, un socialiste, exprime la philosophie d’une politique qui à sa manière fut une réussite. « Trop de fois, au-delà des mers, les Français ont donné l’impression qu’ils n’étaient pas capables d’agir en temps utile, et nous avons été le jouet des événements […].
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