Histoire du Japon
portée incalculable. Toute histoire de la civilisation japonaise se doit de les discuter en détail. Toutefois, il convient d’abord de s’arrêter brièvement aux effets immédiats des présents du roi coréen, car ils mettent en lumière la lutte entre grands clans et maison impériale qui, durant la seconde moitié du vie siècle, occupe au Japon le devant de la scène politique.
La religion nouvelle que le roi coréen vantait à la cour du Japon en termes chaleureux – il la présentait comme la plus parfaite de toutes les doctrines – provoqua bien des dissensions. Elle rencontra naturellement l’opposition des chefs de clan dont les fonctions avaient trait aux pratiques du culte indigène. Les principaux d’entre eux étaient les membres de la famille Nakatomi, truchements sacerdotaux de l’empereur dans ses prières aux ancêtres divins. Mais la valeur de la doctrine nouvelle n’était pas le véritable sujet du conflit, qui se jouait plutôt entre les forces conservatrices et une volonté grandissante de réforme politique.
Ici encore, la situation intérieure du Japon était déterminée par ses relations avec la Corée. Parmi les chefs du Yamato, les plus sagaces étaient frappés par la puissance croissante des royaumes coréens, qu’ils expliquaient avec raison par une organisation supérieure. L’échec des armes japonaises et la menace pesant sur le Mimana les avaient amenés à considérer leur pays comme arriéré en tout sinon sur le plan de l’esprit combatif. Les rivalités entre clans, le manque d’unité, les intrigues, les brouilles, et la trahison même dont témoignait l’échec de la politique en Corée, étaient autant de sources de faiblesse, et même de danger, car il serait fort difficile de résister à une coalition du Kokuryö et du Silla contre le Japon. On éprouvait donc un besoin urgent de réforme, en adoptant tels traits de la civilisation chinoise qui paraissaient avoir permis aux États coréens de défendre leurs intérêts aux dépens de ceux du Japon.
Il n’est donc pas surprenant que, lorsque la mission de Paekche suggéra à la Cour du Japon d’adopter une nouvelle croyance offrant des avantages spirituels et matériels, les partisans de la réforme défendirent le parti du bouddhisme tandis que les conservateurs criaient qu’il menaçait les bases mêmes de la vie du peuple japonais. Le conflit sous-jacent, inutile de le dire, était un conflit d’intérêts, même si d’authentiques sentiments religieux étaient également en jeu. Le clan Nakatomi tenait évidemment pour la foi indigène. Les Mononobe, clan militaire, prirent le parti de la résistance au bouddhisme, et même la dirigèrent, non pas tant pour des questions de religion que pour des raisons que nous décririons aujourd’hui comme nationalistes. Ils n’approuvaient pas les idées étrangères, et ils tenaient la force armée pour le meilleur outil de la politique. Face à cette école conservatrice, on trouvait le clan des Soga, dont le chef, le grand ministre Iname, était convaincu de la nécessité d’un nouveau système de gouvernement, apte à briser l’autonomie des clans et à consolider l’autorité de la Couronne et de ses ministres attitrés. C’était un parti que la famille Soga pouvait se permettre de prendre, car (comme nous l’avons vu) elle avait déjà affermi sa position au moyen d’alliances matrimoniales avec la famille impériale.
La lutte entre les deux factions dura longtemps – en tout, une cinquantaine d’années. Soga prit la statue sacrée et lui fit un autel. Les Mononobe et les Nakatomi protestèrent qu’il allait déchaîner la colère des dieux. Ainsi, la cause du bouddhisme progressait quand ses avantages paraissaient crédibles, et reculait dès que des maux courants tels que la maladie et la sécheresse étaient imputés à son adoption. Dans une période de doute, la statue fut mutilée et jetée dans un canal. Peu après, une épidémie éclata, déclenchant une réaction en faveur du bouddhisme. Soga Umako, le fils d’Iname (le grand ministre auquel il succéda en 570), obtint de l’empereur l’autorisation de vénérer le Bouddha, et lui construisit une petite chapelle. Elle était destinée à ses dévotions personnelles ; mais à la mort de l’empereur Bidatsu (585) le conflit religieux dégénéra en de violentes querelles de succession où l’adoption de la foi bouddhique, tout en demeurant importante, devint une question
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