Histoire du Japon
lorsqu’il sortait, ses vêtements étaient nouveaux et beaux, mais ni extravagants ni au-dessus de son rang. Quand il eut plus de soixante-dix ans, il ne porta plus qu’un sabre dont la longueur ne dépassait pas un pied, et son serviteur le suivait avec son long sabre, car il estimait qu’un homme ne doit pas porter une arme qu’il est incapable de manier. Il garda toute sa vie le sabre court, mais il le jeta lorsqu’il prit la tonsure. »
Quelques années après sa mort, un moine raconta à Hakuseki que, alors que son père avait plus de quatre-vingts ans, un homme ivre entra dans le monastère en gesticulant avec un sabre. Tout le monde avait peur, mais le père de Hakuseki s’avança, le prit par le bras, le fit trébucher et jeta son sabre dans le caniveau.
Hakuseki se montra très doué dès l’enfance. A trois ans, il était, dit-on, capable de tracer des idéogrammes. A dix ans, il écrivait des lettres à son père, et à onze, il prenait des leçons d’escrime et faisait bonne figure dans des combats avec d’autres garçons. Il devint page dans la maison de Tsu-chiya, et c’est là qu’il continua ses études avec l’aide d’un lettré qui se prit d’affection pour lui et lui fit découvrir quelques classiques chinois. Mais c’était avant tout un autodidacte, et, par la suite, il étudia seul en même temps qu’il faisait son apprentissage de samurai. Il avait du succès auprès de ses camarades, partageait leurs escapades, et était toujours prêt à tirer le sabre quand la loyauté l’exigeait.
Parlant de sa jeunesse, il raconte une histoire très significative de l’attitude des samurai à l’égard des classes inférieures. On l’avait arrêté à la suite d’un délit mineur, mais il méditait de s’échapper afin de participer à un combat entre deux groupes rivaux de jeunes samurai. Il commença par mettre une cotte de mailles sous ses vêtements, et il attendit l’occasion. Cependant, un membre de sa bande vint lui annoncer que l’affaire était réglée, et lui demanda de quelle façon il avait prévu de s’enfuir. Hakuseki répliqua qu’il n’était gardé que par un couple de vieillards, qui avaient la clé de la porte. S’ils avaient refusé de lui ouvrir, il leur aurait coupé la tête pour s’emparer de la clé. Pour lui, c’eût été un délit mineur étant donné le piètre rang des victimes.
A la mort de Tsuchiya, son successeur traita Hakuseki et son père avec tant de mépris qu’ils furent contraints de s’en aller. Ses parents furent recueillis par un proche, mais lui-même ne sut trop que faire. Il continua d’étudier et refusa de prendre un emploi bien qu’il n’eût pas d’argent. Un vieil ami de la famille suggéra qu’il épouse la fille d’un riche marchand qui, ayant des ambitions sociales, lui laisserait une fortune. Mais Hakuseki refusa toutes les propositions de ce genre, disant à son père (devenu veuf) qu’il ne pouvait abandonner la voie qu’avaient suivie ses ancêtres samurai.
En 1682, âgé de vingt-quatre ans, il alla à Edo chercher un emploi, qu’il trouva auprès du tairô Hotta Masatoshi. Après le meurtre de ce dernier, en 1684, il resta à Edo, en quête d’un nouveau poste. Ne trouvant rien qui le satisfît, il continua ses études, vivant dans la misère avec sa femme et ses enfants. Heureusement, il avait attiré l’attention de Kinoshita Jun’an, éminent lettré employé à Edo en tant que confucianiste indépendant de la famille Hayashi. Hakuseki devint son principal disciple, ce qui, ainsi qu’on l’a vu, lui valu d’être recommandé par Jun’an comme précepteur du jeune homme qui allait devenir le prochain shôgun. Il s’agissait de Ienobu, le seigneur de Kôfu, important fief Tokugawa. Nous avons déjà vu quelles fonctions Hakuseki remplit auprès de lui ainsi que sous Ietsugu, son successeur. A partir de 1716, il se retrouva indépendant et put se consacrer à ses réalisations personnelles en tant que lettré, poète, philosophe et historien. Et c’est comme historien qu’il révéla le meilleur de ses dons.
ARAI HAKUSEKI, L’HISTORIEN
Hakuseki avait le sens du passé et un remarquable talent d’analyse, qualités qui, malgré son inexactitude sur les points de détail, ont fait de lui l’un des plus grands historiens du Japon.
A part son Hankampu, liste descriptive très complète des fiefs, qui est une compilation plutôt qu’un traité original, ses ouvrages historiques les plus
Weitere Kostenlose Bücher