Histoire du Japon
la période traitant de la cession d’une terre par vente ou donation parlent des « fermes avec les bâtiments, terres, bois et pâturages… et les esclaves y demeurant 9 ». Les octrois faits par la Couronne précisaient d’ordinaire qu’il s’agissait d’une terre de tant de familles, et des personnes et biens de tous ses habitants.
Des conditions semblables prévalaient au Japon durant la même période. Le shôen comprenait une villa (« shô »), des terres cultivées (« en »), des greniers et autres bâtiments, ainsi que des travailleurs libres (« ryômin »), des serfs (« semmin ») et leurs familles. Les ryômin étaient théoriquement libres, mais leur situation voulait souvent qu’ils n’aient pas de terre à eux, soit qu’ils aient quitté leur parcelle pour fuir les impôts, soit que leur bien ait été confisqué. Dans la pratique, ils étaient ainsi liés à la terre.
Les semmin étaient des serfs attachés à la glèbe. Leur nombre n’est pas connu, mais à en juger d’après les registres familiaux du vine siècle, ils constituaient moins de 5 % de la population agricole. Bède le Vénérable mentionne une donation faite à l’époque saxonne à un ecclésiastique (Wilfrid), qui nous fournit ici un parallèle intéressant. Avec la terre allaient les gens, qui composaient quatre-vingt-sept familles, possédant en tout deux cent cinquante esclaves. Wilfrid affranchit ces derniers pout des raisons religieuses. Il ne semble pas que les grands établissements bouddhiques du Japon aient libéré les semmin de leurs seigneuries, mais il est clair qu’avec les nouvelles terres mises en culture la demande de main-d’œuvre agricole augmenta et la façon de traiter les esclaves s’améliora, en sorte que la distinction entre hommes libres et non libres tendit à disparaître.
changements institutionnels
Du point de vue de l’histoire institutionnelle, les quelque cent ans qui suivirent le départ de Nara peuvent être décrits comme une période de réaction contre les codes tels qu’ils se présentaient vers l’an 800, alors que les révisions entreprises n’en avaient guère changé le caractère chinois. Cette réaction avait pour cause l’échec ou l’inadéquation pratiques de plusieurs des dispositions antérieures, et (pourrait-on ajouter) un désir naissant d’émancipation par rapport à l’influence chinoise. Les codes comprenaient deux parties : les « ryô », qui constituaient à la fois un code administratif et civil, et les « ritsu », qui, sans être à proprement parler un code pénal, consistaient en une série d’interdictions et de règlements disciplinaires à caractère pénal. Le code administratif précisait les noms, divisions, fonctions et rangs des départements de l’État et de leurs fonctionnaires ; le code civil fixait le statut des sujets, des nobles aux esclaves, leurs devoirs, obligations, récompenses et punitions, et réglementait des questions comme le mariage, la succession, l’imposition, l’administration, le service militaire, les arrestations, l’emprisonnement, le cérémonial, le costume, le deuil, les funérailles et les exercices religieux.
La loi réglait ainsi toute la vie de l’individu en même temps que le caractère de l’administration ; mais la société à laquelle elle devait s’appliquer connaissait un changement rapide, en sorte qu’il fallait constamment la revoir. Une révision permanente eut effectivement lieu, sous forme d’amendements, d’additions et de suppressions – les « kyaku » et les « shiki ». En fait, le ix e siècle peut être décrit dans l’histoire de la loi japonaise comme celui de la législation par décret administratif. Les kyaku étaient des règlements ad hoc publiés pour faire face aux changements, et modifiaient ou remplaçaient des lois ou des dispositions qui n’étaient plus appropriées. Les shiki étaient des règles et formules détaillées complétant les codes et nécessaires à leur application pratique. Au Japon, les kyaku et les shiki (entre lesquels la législation Tang établissait une distinction assez nette) avaient tendance à se confondre. La mise en vigueur d’ordonnances appartenant à l’une ou l’autre catégorie était fréquemment un moyen d’amender ou même de remplacer les articles des codes, si bien que, pour certains auteurs japonais, dans l’histoire juridique du Japon la période « kyakushiki » succède à la
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