Histoire du Japon
du fait de l’échec du système officiel. Les charges d’ôryôshi et de tsuibushi – appelons-les préfets et commissaires – se maintinrent durant la période féodale pour assurer l’ordre dans le pays, bien après que le ministère de la Justice fut devenu une vaine survivance.
Ces exemples auront suffi à montrer la nature des charges extra-légales et les circonstances qui les engendrèrent. Il y en eut bien d’autres, mais nous pouvons nous contenter de dire à leur propos que, dans l’ensemble, elles faillirent détruire, ou réduire à l’impuissance, le système administratif complexe du code de Taihô.
Un point intéressant ressort d’une étude générale de l’histoire juridique du Japon : le fait que la famille Fujiwara fut responsable de la plupart des changements importants que subit la législation durant cinq siècles à partir de l’Édit de Réforme de 645. L’essentiel de l’acte de Réforme fut l’œuvre de Kamatari, le fondateur du clan. Le code de Taihô fut rédigé en 701 par une commission dirigée par Fujiwara Fubito, et révisé par lui en 718. D’autres amendements, parmi lesquels les publications successives de kyaku et de shiki, se firent ensuite sous le contrôle de ministres appartenant à la famille, et en particulier Tokihira, tandis que des hommes d’État et fonctionnaires Fujiwara jouèrent un rôle prépondérant dans l’établissement de la plupart des organismes extra-légaux qui, aux IXe et Xe siècles, supplantèrent ou remplacèrent les dispositifs prévus par le code administratif. Cet intérêt chez les Fujiwara peut s’expliquer par le seul fait qu’ils exercèrent le pouvoir politique suprême de façon continue, mais leur rôle dans la législation n’en fut pas moins très positif, et ils ne se contentèrent pas de donner leur approbation à ce que proposaient leurs subordonnés.
Le développement, parallèle à la croissance des corps extra-légaux, d’une procédure officielle simplifiée qui, de manière nullement accidentelle, contribua au pouvoir effectif des régents Fujiwara, jette une lumière instructive sur l’évolution du système administratif. L’affaire est trop complexe pour qu’on en donne ici une description complète, mais elle mérite qu’on en retrace les étapes principales.
A l’origine, conformément aux codes et à l’autorité absolue du souverain, la pratique voulait que celui-ci fît connaître ses ordres par des édits et ordonnances revêtus de son sceau impérial. L’établissement et la promulgation de ces documents (qui, bien sûr, avaient force de lois) constituaient une procédure incommode et lente, à laquelle, avec le temps, on préféra naturellement des formules moins complexes. On en imagina et on en introduisit un nombre toujours plus grand, dont l’usage se généralisa graduellement. Il y avait notamment les avis publiés par le Kurando-dokoro, qui, rédigés d’ordinaire par les officiers du bureau, se limitaient à exposer la volonté royale. Puis, quand la famille Fujiwara eut assis sa puissance, ses chefs tirèrent de ce moyen législatif une façon fort commode de donner des ordres au nom du souverain sous la forme semi-officielle des mikyôsho, ou lettres d’instruction, prétendument approuvées sur le conseil de ses ministres. Après quoi, une nouvelle simplification fut bientôt entreprise, qui aboutit à la publication, non par le souverain mais par les fonctionnaires ministériels, d’ordres appelés « kudashi-bumi », qui étaient censés traduire la volonté des autorités supérieures. Ils remplaçaient souvent les directives normales du chancelier, les dajôkanfu ou dajôkanchô, et s’intitulaient simplement « notes de service » (« kansen »). Il va sans dire que de tels raccourcis devaient favoriser un système de gouvernement où le pouvoir souverain était délégué aux grands nobles et exercé à leur profit.
Vie métropolitaine : religion et savoir
Les premières manifestations évidentes de l’échec du système emprunté à la Chine apparurent dans les domaines où il était soumis à la plus rude épreuve, notamment dans le conflit d’intérêts et de buts que l’on vient de décrire, entre une classe de propriétaires fermement retranchée et le gouvernement central. Mais la faiblesse de l’administration se révélait aussi sur d’autres plans, dont l’étude nous permettra de comprendre les raisons pour lesquelles il finit par devoir
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