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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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des Napolitains ; il battit et poussa ces misérables
troupes jusqu’à Naples ; des quantités de mendiants, qu’on
appelle des lazaroni, sortirent de la ville à leur secours.
Championnet, fut obligé de mitrailler cette canaille et de mettre
le feu dans ses bicoques. Le père Gourdier, qui se trouvait là, m’a
raconté plus tard que ces êtres abrutis dorment en plein soleil sur
les marches des églises, et qu’ils se nourrissent d’un peu de
macaroni. Je le crois. C’est à cet état que nos anciens rois, nos
seigneurs et nos évêques auraient voulu nous réduire, pour vivre
sans crainte. La fierté de l’homme, l’instruction, le courage, tout
les gêne ; sous de pareils maîtres, le genre humain tomberait
tout doucement à l’état de limaces, de chenilles et de lazaroni.
Qu’est-ce que cela leur ferait ? Ils seraient alors
tranquilles ; et la profonde misère, l’abaissement de leurs
semblables ne les empêcheraient pas de se dire les représentants de
Dieu sur la terre.
    Enfin ces lazaroni furent balayés solidement,
et le roi Ferdinand, qui représentait leur bon Dieu, la reine de
Naples, sœur de Marie-Antoinette, qui nous haïssait jusqu’à la
mort, toute cette cour se sauva lâchement, emportant ses trésors et
laissant les mendiants défendre leur vermine comme ils
pourraient.
    Alors Championnet créa la république
Parthénopéenne ; cela faisait la cinquième que nous créions en
Italie, toutes aussi solides les unes que les autres.
    Pendant que Championnet marchait sur Naples,
le Directoire, pour empêcher le roi de Sardaigne d’inquiéter ses
derrières, avait envoyé l’ordre à Joubert d’envahir le Piémont. Le
roi s’était sauvé dans l’île de Sardaigne, nous avions occupé
toutes les places fortes, incorporé son armée dans la nôtre, et
nous restions maîtres de tout ce pays, depuis les Alpes jusqu’à la
mer de Sicile.
    Nous étions alors en décembre ; ainsi
finit l’année 1798.

Chapitre 13
     
    L’année suivante devait être bien autrement
rude, on le sentait d’avance, car déjà Paul I er ,
empereur de Russie, que sa mère Catherine et son père Pierre III
avaient rendu fou furieux, en le faisant enfermer durant des
années, cet être maniaque, qui venait de monter sur le trône,
armait à force, prenait nos émigrés à son service et se déclarait
l’ami de Louis XVIII. Il se regardait comme offensé gravement de ce
que Bonaparte avait enlevé Malte, et se proclamait grand maître de
l’ordre des chevaliers de Saint-Jean, une vieillerie qui n’avait
plus l’ombre du sens commun, puisque ces chevaliers, à deux ou
trois cents, faisaient vœu de défendre la chrétienté contre les
Turcs. On avait vu leur belle résistance ; vingt-cinq
volontaires de 92, des fils de paysans, auraient mieux soutenu leur
honneur et leurs droits. N’importe, le maniaque commandait à des
millions d’hommes, et personne n’aurait osé lui parler raison. Il
allait faire hacher et massacrer des milliers de soldats, pour une
lubie qui lui passait par la tête ; cela montre la beauté du
gouvernement despotique. S’il n’existait que des êtres de cette
espèce, le genre humain serait bientôt fini. Heureusement, pendant
que les despotes ne songent qu’à détruire leurs semblables, des
hommes simples, sans orgueil, sans dire qu’ils sont les envoyés de
Dieu, font autant de bien que les autres font de mal.
    Je vous ai déjà parlé du docteur Schwân, qui
voulait s’embarquer pour l’Égypte. Ce brave homme avait eu la
chance d’arriver trop tard ; toutes les bonnes places étaient
prises. En revenant de Paris, au bout de quelques mois, il s’arrêta
de nouveau chez nous et nous parla d’une découverte extraordinaire,
d’un bienfait unique pour les hommes. Mais vous ne comprendrez la
grandeur de ce bienfait, qu’en vous faisant une idée de tous les
ravages de la petite vérole avant 1798. C’était affreux !
Tantôt cette maladie se déclarait dans un village, tantôt dans un
autre ; cela s’étendait comme le feu ; tout le monde,
mais surtout les pères et mères frémissaient. On disait :
    – Elle est ici !… Elle avance… Tant
de personnes l’ont eue… telle femme… telle fille ont surtout été
maltraitées… Un tel est devenu borgne… tel autre n’est plus
reconnaissable… Il y a tant de morts, tant de sourds, tant
d’aveugles !…
    Ah ! quelle épouvante !
    Et puis, après quelques semaines, les pauvres
filles, les pauvres

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