Histoire Romaine
M. Mommsen.]
[474] [C’est ce que notre auteur, avec toute l’école
allemande, appelle l’ histoire pragmatique , par opposition à l’ histoire
philosophique , qui dans les événements ne recherche que les causes et les
effets, sociaux ou politiques.]
[475] Au surplus, pour pouvoir se représenter la vieille
Italie dans sa vraie condition, il est absolument nécessaire d’y faire d’abord
la part des changements apportés par la culture moderne. Parmi les céréales, les
anciens ne cultivaient pas le seigle ; l’ avoine , qu’ils
connaissaient, n’était à leurs yeux qu’une mauvaise herbe ; et l’on vit
avec étonnement, sous l’empire, les Germains la manger bouillie. Le riz n’a été introduit en Italie que vers la fin du XVe siècle ; et le maïs fut semé pour la première fois au commencement du XVIe. Les pommes de terre et les tomates viennent d’Amérique : les artichauts semblent
n’être qu’une variété, artificiellement obtenue par la culture, des cardons ,
bien connus des Romains, mais variété de production plus récente. Quant aux amandes ou noix grecques , aux pèches ou noix persiques ou aussi noix
molles ( nux mollusca ), étrangères à l’Italie d’abord, on les y
rencontre un siècle environ avant l’ère chrétienne. Le palmier dattier , importé
de Grèce, comme il avait été importé d’Orient en Grèce, est un témoin vivant
des anciennes relations commerciales et religieuses entre les occidentaux et
les orientaux : on le cultivait en Italie 300 ans avant J.-C. (Tite-Live, X,
47 ; Pallad., 5, 5, 2, 11, 12, 1), non pour ses fruits (Pline, Hist. nat.,
13, 4, 26), mais, ainsi qu’on le fait aujourd’hui encore, comme arbre d’ornement,
et à cause de ses feuilles, que l’on portait dans les fêtes publiques. Plus
récente est la cerise , ou fruit de Cérasunte (sur la mer Noire). On
n’a commencé de planter le cerisier en Italie qu’au temps de Cicéron, quoique
le sauvageon fût indigène ; et plus récent encore est l’ abricot , ou prune d’Arménie . La culture du citronnier se place aux derniers
temps de l’empire ; l’ oranger n’a été importé qu’au XIIe ou au XIIe
siècle par les Maures ; l’ aloès ( agave americana ) est venu d’Amérique
au XVIe. Le cotonnier n’a d’abord été cultivé en Europe que par les
Arabes. – Les buffles et les vers à soie n’appartiennent qu’à l’Italie
moderne : l’ancienne ne les a pas possédés. – Par ce qui précède, on voit
que tous les produits non mentionnés sont ceux précisément que nous appellerions italiens indigènes . Si l’Allemagne actuelle, comparée avec la Germanie
que foula le pied de Jules César, semble presque un pays méridional, il en faut
dire autant de l’Italie, devenue dans la même proportion plus méridionale encore qu’elle ne l’était dans les plus anciens temps.
[476] Caton dit : ( De re rust., 137, cf. aussi
16) que dans le bail à part de fruits, le produit brut du domaine, réserve
faite des fourrages nécessaires aux bœufs de labour, se divise entre le
bailleur et le preneur, ( colunus portiarius ) dans la proportion stipulée
entre eux. A le décider par les analogies du bail français a chepte [ à
moitié , art. 1818 et suiv. du code Napoléon] et des baux à moitié usuels en
Italie, et en l’absence de toute trace d’une autre quotité de partage, il y a
lieu de croire que les parts étaient égales entre le propriétaire et le colon. C’est
par erreur qu’on a cité ici l’exemple du politor , à qui l’on remettait
le cinquième du grain, ou même la sixième ou la neuvième gerbe, quand le
partage se faisait avant le battage (Cat. 136, cf. 5). Le politor n’était
point un colon partiaire, mais un simple manœuvre loué en temps de moissons et
rémunéré de sa journée au moyen du dividende ainsi fixé sur la récolte.
[477] La loi romaine n’a même pas de mot propre pour
désigner le bail à ferme . Le contrat de louage s’est formé à Rome et s’est
développé dans la jurisprudence romaine par le bail à loyer des maisons :
ce n’est que par analogie qu’il s’est ensuite étendu aux locations rurales. La
preuve en est dans ce fait que selon la règle ordinaire, les loyers du preneur
se payaient nécessairement en argent. Or, cette règle qui est de l’essence du
bail des maisons, ne l’est plus le moins du monde en matière de bail à ferme. Par
suite, à Rome, le fermage à fruits partiaires appartient au
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