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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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chez le dentiste.
La petite serviette à dessert où placer sa tête.
Une petite automobile qui vous entre dans une dent.
1er décembre.
Mon théâtre : une conversation sous un lustre.
C'est au doux climat de cette femme que je voudrais vivre et mourir.
Il faut admirer le génie de Musset, parce que ses défauts ne sont que ceux de son époque.
3 décembre.
Mettre les points sur tous les i de l'infini.
La source se cachait comme si elle avait pleuré, pour de bon, de vraies larmes.
5 décembre.
- Comment pouvez-vous déjeuner chez lui, puisque vous trouvez mauvais ses livres ?
- C'est comme si vous me disiez : « Puisque vous aimez ses livres, pourquoi dites-vous qu'on mange mal chez lui ? »
- Guitry, dit Bernard, c'est comme un fil de cuivre rouge. On sent qu'il rend 95 % de l'électricité qu'on lui communique.
6 décembre.
Hier soir, chez Brandès.
    Blanc partout. Un feu de bois. Brandès s'efforce d'être aimable comme on s'efforce d'être spirituel : seulement, elle y arrive. Des livres de Barbey d'Aurevilly étrangement habillés, quelques-uns tout en or, d'autres avec des raies rouges, bleues, blanches, comme des guérites nationales. Et des dédicaces d'encre rouge-sang.
Bernard nous raconte une fable que devait écrire Allais. Un singe et un perroquet. Le singe dit :
- Je suis agile et malin. Je ressemble à un homme, etc., etc.
Et il développe jusqu'à ce que le perroquet l'arrête en lui disant :
- Oui, mais, moi, je parle.
- Eh ! bien, et moi ? dit le singe. Qu'est-ce que je fais donc depuis un quart d'heure ?
Et je dis :
- Et moi qui avais apporté mon manuscrit ! Et voilà minuit et demi !
Naturellement, on me fait rester. Ils lisent, et il me semble qu'ils ne feront jamais que lire un peu mieux que moi. Et, quand même, Brandès trouve que Guitry en dit trop. Et elle s'inquiète : comment va-t-elle tout écouter ?
8 décembre.
Brandès dans La Vassale. Le foyer de la Comédie-Française. Je m'attendais à quelque chose de grand et de luxueux : ça a l'air d'un foyer pour ouvriers mineurs. On baisserait la tête. Très, très gentille.
    - Vous savez, vous me faisiez peur. J'ai joué pour vous. Et comment me trouvez-vous ? Il me semble que j'ai fait des progrès, depuis Les Tenailles ?
- Oui. Plus d'abandon, plus d'humanité.
Autour d'elle, des amis et des amies : le vieil abonné à figure rose, le vieux général inévitable, et le jeune homme godiche qui n'ose pas s'approcher.
- Mais, que je vous présente, dit-elle. M. Jules Renard.
- Oh ! ça ne dit rien.
Des voix :
- Si ! Si ! Beaucoup ! Plaisir de rompre !
- Ne faites donc pas le modeste ! me dit-elle.
Je la quitte, et j'ai le courage de mettre mon chapeau avant que de franchir l'huissier.
Des bûches de bois impressionnantes. De hautes pincettes rigides comme une pièce de Paul Hervieu, mais des rideaux sales, sales ! Les abonnés doivent se moucher dedans.
Une jeune femme se présente de la part de plusieurs de mes amis. Pressée, elle cite Mayer. Voilà : elle a écrit dans La Vie parisienne des choses drôles, et, comme c'était drôle, on lui en redemande. Elle ne veut pas. Elle voudrait écrire des choses sérieuses au Mercure de France. Elle ne veut pas arriver par les vieux bonshommes. Elle est indépendante, fille unique ; elle écrit, non pour l'argent, mais pour se faire un nom.
    Malheureusement, pour se faire un nom, il faut être connu.
- Oui, dis-je. Je sais : le cercle vicieux.
D'abord, elle voulait faire du théâtre. Tout de suite elle a vu qu'elle n'avait aucun talent.
- Vous êtes dure, lui dis-je. C'est plus difficile que ça, de s'apercevoir qu'on n'a aucun talent.
Elle a un regard obstiné, une grande bouche, des lèvres rouges. Elle n'est pas jolie. Je suis flatté quand même. Elle s'en va. Je ne sais pas son nom.
C'est fini. Je n'ai plus rien à dire. C'est le désastre. C'est une catastrophe de silence. Je ne peux pas faire le moindre effort d'imagination : elle ne soulèverait pas une paille.
C'est si facile à une femme de se faire aimer ! Nul besoin d'être bien jeune ni bien jolie. Il n'y a qu'à tendre la main d'une certaine façon et l'homme y met tout de suite son coeur.
On dit toujours qu'on est lu en Allemagne pour se consoler de ne pas l'être en France.
L'hiver, quand, au coin d'une borne, une femme donne à téter à son enfant, on n'est pas obligé de croire que le sein est en caoutchouc, et l'enfant en carton.
- Désormais, dit Bernard, je remplacerai mon domestique et je dirai moi-même : « Je suis

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