Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
Vom Netzwerk:
transportèrent l'enfant dans la chambre de Khadija. Elle ne laissa à personne le soin de le laver du sang et de la poussière qui le souillaient.
    Elle s'en chargea seule. À petits gestes. En respirant profondément entre chaque caresse. Sa vue se brouillait. Il lui semblait que le corps doré de son fils éclatait en mille perles de larmes. Bientôt, elle n'aurait pas les mains assez fortes pour les assembler toutes sur un même fil. Elle fermait les paupières. Laissait s'éloigner la rage qui la mettait elle-même en pièces. Priait Al'lat pour que la douleur lui tranche le cœur.
    — Si tu as pitié, puissante déesse, retire-moi le souffle de la poitrine, murmurait-elle en glissant le linge sur la chair de son fils. Ô Al'lat ! Ne me laisse pas vivre plus que lui !
    Mais non. La déesse ignorait sa prière. Le cœur de Khadihja continuait à battre, déchirait ces seins qui avaient nourri celui qui n'était plus. Elle rouvrait les yeux. Le beau petit corps d'Al Quasim était toujours devant elle. Avec sa peau de fille, ses cils si longs, son front haut, ses épaules déjà musclées, ses mains qui promettaient d'être élégantes et son grand trou sous le téton gauche où apparaissaient des brisures d'os, pâles et délicates.
    Elle s'inclinait pour baiser doucement cette chair d'enfant qui devenait, à chaque baiser, plus tiède, presque fraîche, et qui, étrangement, se durcissait contre ses lèvres comme si elle les repoussait.
     
    Muhavija vint s'asseoir près elle. Elle avait apporté trois lés de lin blanc pour confectionner le linceul. Elle y enroulèrent le corps d'Al Qasim en silence.
    Déjà, les questions tourmentaient Khadija.
    Pourquoi le toit de la resserre avait-il cédé ? Et en ce jour précisément ? Pourquoi ?
    Abdonaï avait expliqué :
    — Pendant les jours de pluie, l'eau s'est infiltrée entre les briques de la voûte. Les petits sautillements d'Al Qasim ont suffi à la faire écrouler. Sans cette maudite pluie, rien ne serait arrivé. Un jour de plus au soleil, tout serait redevenu solide.
    Abdonaï cherchait toutes les raisons qui pouvaient apaiser sa maîtresse. Il était le seul avec Ashemou à savoir, pour la déesse Al Ozzâ. N'avait-il pas creusé la fosse dans le sol de cette resserre pour y enfouir sa statue ? Il ignorait que Khadija et Ashemou avaient brisé l'idole offerte par Abu Sofyan dans les éboulis d'Arafa, mais il s'en doutait.
    Ashemou était anéantie. Elle ne parlait plus. Ne bougeait plus de sa couche. Ne se nourrissait plus. Ne levait les yeux sur personne. Les servantes disaient qu'elle était devenue folle.
    Khadija ne trouvait pas le courage d'aller près d'elle, ni de révéler le secret d'Al Ozzâ à son époux. Depuis que l'idole, présent d'Abu Sofyan, était entrée dans sa maison, jamais elle n'en avait parlé à Muhammad. Elle s'en rendait compte seulement maintenant. Pourquoi avoir gardé ce secret qui, aujourd'hui, lui transperçait la poitrine comme la pointe de fer avait transpercé celle de son fils ?
     
    Ce jour, avant le coucher du soleil, le corps d'Al Qasim, emmailloté dans ses trois linceuls retenus par quatre bandelettes, fut enveloppé d'un drap immaculé et porté jusqu'au cimetière du haut de la cité. Nombreux furent ceux de Mekka, connus et anonymes, qui vinrent déposer des offrandes sur l'autel d'Al'lat et parfois aussi sur celui d'Hobal dressés au milieu des tombes.
    Au moment où les trompes sonnèrent, Muhammad, Abu Bakr, Abu Talib et Abdonaï, qui tenaient chacun un coin du drap, laissèrent glisser le corps d'Al Qasim dans la tombe. Ils avaient pris soin de tourner la tête de l'enfant vers la Ka'bâ. Les marmonnements des prières recouvrirent les gémissements et les larmes. Dans la foule, nombreuses étaient les femmes qui avaient vu la mort noire dévorer leurs fils et leurs filles.
    Khadija ne pleurait pas. Elle se sentait devenir sèche comme le désert. Sans plus la moindre source de larmes en elle. Sans la moindre source capable de donner naissance à un nouveau fils pour son époux. Ce rêve était désormais aussi mort qu'Al Qasim.
    Elle pensait aux fins tissages de lin qui séparaient la chair si douce de son fils de la poussière de la terre, et cette pensée lui était insupportable.
    Elle avait envie de hurler, mais se retint. Elle devait penser à son époux. Et à ceux de Mekka qui l'entouraient. Eux qui, seulement deux jours auparavant, avaient vu Muhammad Ibn `Abdallâh soulever d'un même

Weitere Kostenlose Bücher