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Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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retrait, attirée par le bruit, une femme releva la portière d'une tente, le visage en partie dissimulé par un pan de voile retenu entre ses dents. Elle l'abandonna en poussant un cri strident. Muhammad la reconnut aussitôt. Abdonaï dit :
    — Barrira...
    Mais Barrira s'était retournée vers l'intérieur de la tente en criant :
    — Khadjiî ! Khadjiî ! Ton époux est de retour ! Ton époux est là !
    Les enfants la bousculèrent sans ménagement. Zaynab, l'aînée, et son petit frère Al Qasim jaillirent les premiers en hurlant. Puis ce furent Ruqalya, la seconde des filles de Muhammad, qui parut, un large sourire aux lèvres.
    Alors que Muhammad s'agenouillait, les bras grands ouverts pour les accueillir contre sa poitrine, Al Qasim agrippa les tuniques de ses sœurs et les retint. La mine sérieuse, menaçante, il demanda à son père :
    — Tu n'es pas malade, toi ? Tu n'as pas les doigts noirs ? Montre-moi !
    Muhammad, sidéré, ne trouva rien à répondre. Abdonaï pétillait de fierté et d'amusement. Puis, aussi sérieusement que son fils le lui avait ordonné, Muhammad tendit ses mains :
    — Vérifie toi-même, mon garçon.
    Al Qasim le fit avec tant d'attention que Zaynab s'impatienta.
    — Tu vois bien qu'il a les doigts sains, Qasim ! s'écria-t-elle. Il vient du dehors, lui. Et c'est notre père. S'il savait qu'il a la maladie, il ne s'approcherait pas de nous !
    Elle se jeta dans les bras qui se tendaient vers elle. Ruqalya l'y rejoignit avec fougue, couvrant Muhammad de baisers tandis qu'Al Quasim les observait, toujours sérieux et sévère. Et maintenant boudeur. Attendant que ses sœurs lui cèdent enfin la place. Une main douce et tendre se posa sur sa nuque. Il n'eut pas à lever les yeux pour reconnaître sa mère. Khadija, qui se retenait pour ne pas sauter au cou de son bien-aimé, gronda :
    — Ça suffit, les filles, laissez votre père saluer son fils.
    Et comme ses yeux rencontraient enfin ceux de son époux, elle ajouta :
    — Ne lui en veux pas. Il a fallu leur apprendre à être prudents. Ça, et bien d'autres choses. Al Qasim est aussi courageux et réfléchi que son père. Il est devenu notre petit homme.
    Elle avait maigri. Sous la tunique sombre on devinait le gonflement de son ventre. Ses pommettes étaient tendues et des cernes de fatigue assombrissaient son regard. Fugacement, Muhammad songea que l'âge avait rattrapé son épouse et effacé les signes si longtemps préservés de sa jeunesse. Des rides étaient nées autour de sa bouche, sur son front, ses tempes et son cou. Ses joues, longtemps tendues et fermes, s'affaissaient doucement, comme plus lourdes de tendresse que de sensualité. Ses cheveux tirés en arrière, noués par un simple peigne, brillaient moins. Néanmoins sa beauté demeurait assez puissante pour chasser, par sa seule présence, les horreurs que Muhammad venait de découvrir. Il en fut ébranlé et contempla son épouse comme s'il la voyait pour la première fois.
     
    Quand Al Qasim eut reçu sa part de caresses et de félicitations, quand ils s'embrassèrent enfin, unissant leurs corps sous les épaisseurs de tissu, Muhammad se rendit compte que, malgré la chaleur, Khadija frémissait de la tête aux pieds. Nouant ses bras sur sa nuque, fermant les yeux, elle laissa des larmes couler sur ses joues, chuchotant entre les sanglots :
    — Mon aimé, mon aimé, mon aimé ! J'ai tant attendu ton retour que j'en ai honte. Je n'ai pas su être courageuse. J'aurais dû t'expédier un messager pour te prévenir. Te dire : « Ne viens pas ! Surtout n'approche pas de Mekka, mon époux bien-aimé. Ici, il n'y a plus que les fruits pourris de la mort. » J'aurais dû t'envoyer ton fils et tes filles. Te dire : « Prends soin d'eux, ils sont demain. Ils sont la vie de Mekka qui renaîtra quand la colère noire d'Hobal s'apaisera. » Mais je n'en ai pas eu le courage. J'ai été faible. Chaque jour je me suis réveillée en imaginant que tu te rapprochais de moi. Et cette pensée me donnait de la force. M'empêchait de devenir folle. Ici où le mal nous rend déments avant de nous tuer.
    Encore, ils s'embrassèrent et, sans retenue, se tinrent enlacés sous les yeux de tous, d'Abdonaï et de Barrira, des Bédouins, des servantes, des voisins accourus pour saluer le premier puissant de Mekka qui osait partager leur sort.
    Khadija se détacha enfin de son époux. Muhammad essuya ses joues humides de la pointe de ses doigts. Khadija,

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