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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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indignes d un grand
souverain et d'une grande nation. Dans le temps qu'on emportait les
pompes de Moscou, on laissait cent cinquante pièces de canon
de campagne, soixante mille fusils neufs, un million six cent mille
cartouches d'infanterie, plus quatre cent milliers de poudre, trois
cent milliers de salpêtre, autant de soufre... J'ai fait la
guerre à Votre Majesté sans animosité : un
billet d'elle avant ou après la dernière bataille, eût
arrêté ma marche, et j'eusse pu être à même
de lui sacrifier l'avantage d'entrer dans Moscou. Si Votre Majesté
me conserve encore quelque reste de ses anciens sentiment, elle
prendra en bonne part cette lettre. Toutefois , elle ne peut que me
savoir gré de lui avoir rendu compte de ce qui se passe dans
Moscou. »

    Mais le tsar ne
souhaite point conclure la paix. Pourtant, en apprenant l'incendie de
Moscou, nous l'avons vu, les larmes ont jailli de ses yeux...

    La grande-duchesse
montre toute son inquiétude : « Impossible d'y
tenir plus longtemps, écrit-elle à son frère,
malgré la douleur que je dois vous faire, mon cher ami.
L'abandon de Moscou a mis le comble à l'exaspération
des esprits ; le mécontentement est au plus haut point, et
votre personne est loin d'être ménagée. Si cela
me parvient à moi, jugez du reste. On vous accuse hautement du
malheur de votre Empire, de la ruine générale et
particulière, enfin d'avoir perdu l'honneur du pays et le
vôtre individuel. »

    « Certes,
répond Alexandre à sa sœur préférée,
il y a de ces choses qu'il est impossible de concevoir. Mais
persuadez-vous que ma résolution de lutter est plus
inébranlable que jamais ; j'aime mieux cesser d'être ce
que je suis que de transiger avec le monstre qui fait le malheur du
monde... Je mets mon espoir en Dieu, dans le caractère
admirable de notre nation et dans la persévérance que
je suis décidé à mettre à ne pas plier
sous le joug. Je passe à présent au point qui me touche
le plus. Celui de mon honneur personnel. Je ne puis pas croire que
votre lettre pose la
question de ce courage individuel que chaque soldat possède et
auquel je n'attache aucune valeur. D'ailleurs, si je devais
m'humilier et m'arrêter à ce problème, je
pourrais vous dire que les grenadiers des régiments de Moscou
et de Kiev auraient pu certifier que je sais me tenir sous le feu
aussi calme que n'importe qui... »

    Alexandre lui
adresse ensuite un véritable examen de conscience : « Servi
aussi mal que je le suis, manquant dans tous les domaines
d'instruments appropriés aux leviers d'une gigantesque machine
dans une situation aussi critique, ayant devant moi un adversaire
infernal qui unit à la plus effroyable sauvagerie le plus
remarquable talent et qui dispose des forces de l'Europe tout
entière, et d'un nombre d'hommes de génie formés
pendant vingt ans de révolution et de guerre, qu'y a-t-il
d'étonnant à ce que j'essuie des échecs ? »

    Onze jours passent
et Alexandre dédaigne toujours de répondre à son
ancien ami de Tilsit. Seule l'impératrice douairière,
Marie, conseille à son fils tout en sanglotant « de
s'incliner devant la volonté divine », et de
conclure la paix.

    Napoléon
commence à considérer le silence d'Alexandre comme un
affront. Pour lui, les journées sont longues au Kremlin, nous
conte son valet de chambre. L'Empereur s'attarde à table, lui
qui aime avaler des repas expéditifs. On le voit absorbé
par de longues rêveries. Doit-il hiverner à Moscou ou
reprendre la route de Smolensk ? Et même faut-il regagner Vilna
? Selon Bennigsen, chef d'état-major de Koutouzov, « il
est certain que si Napoléon avait pris le parti de ne
s'arrêter à Moscou que deux ou trois semaines et de
retourner alors à Smolensk pour s'établir sur le
Dniepr, il aurait sauvé certainement pour le moment son armée,
à l'exception peut-être de quelques hôpitaux qu'en
raison du manque de chevaux il n'aurait pu transporter. Il se serait
trouvé à même d'y concentrer des forces
imposantes et de nourrir ses soldats qui mouraient de
faim dans les provinces où on avait ôté les
moyens de subsistance. Il aurait retrouvé les magasins
considérables qu'il avait établis derrière lui,
surtout dans la Russie blanche et dans plusieurs endroits sur le
grand chemin de Moscou, par Smolensk, Borissov, Vilna et, plus loin,
jusqu'à la Vistule ». Mais Napoléon n'a
encore nulle intention de regagner Smolensk...

    Au début du
mois d'octobre, après une nuit

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