La confession impériale
monastères et autres lieux sacrés
entretenait l’ordre et la foi.
Pour satisfaire à la coutume plus que par
conviction, Tassilon avait consenti à livrer au roi des Francs un contingent de
soldats destinés à faire partie d’un corps expéditionnaire envoyé combattre le
duc Waïfre. Alors que Tassilon se trouvait en Aquitaine, l’arme au poing, il
avait tourné bride en prétextant une maladie. La vérité, c’est que lui,
champion de l’indépendance, répugnait à combattre celui qui partageait son
idéal. Revenu en Bavière, accablé par les sarcasmes du roi Pépin, un peu honteux
peut-être, il ne donna plus signe de vie et, qui plus est, négligeant de
répondre à de nouvelles injonctions du roi des Francs, il renia le serment de
fidélité que ses ancêtres avaient juré au roi Clovis.
Ce vassal étant entré ouvertement en
rébellion, mon père songea à envoyer contre lui une armée pour lui rappeler sa
vassalité ; sollicité par d’autres préoccupations, il dut y renoncer. Il
n’en avait pas pour autant fini avec la Bavière. Un jour ou l’autre, Tassilon
paierait pour son forfait.
2
Le duc Waïfre aurait pu poursuivre des années
encore sa guerre d’usure contre les Francs si, pour son entourage et pour le
peuple, elle n’était devenue insupportable, les massacres et les pillages se
succédant à chaque expédition, sans issue favorable.
Une nuit, alors qu’il se trouvait dans les
forêts de la Double, en Périgord, Waïfre avait été tiré de son sommeil par un
de ses officiers qui lui avait tranché la gorge. C’en était fini des campagnes
interminables et fastidieuses. Cette immense et belle province entrait dans le
giron du royaume. Le butin soustrait à l’Aquitaine fut envoyé à l’abbaye de
Saint-Denis, près de Lutèce, pour que les joyaux fussent suspendus aux bras de
la croix.
Je me trouvais avec la reine Bertrade à
Saintes, sous le soleil de juillet, pour y attendre le retour de cette dernière
expédition. L’armée victorieuse traînait derrière elle une multitude de
chariots chargés de butin et de prisonniers. Mon père nous donna le triste
spectacle d’un vieillard fourbu qui se faisait aider de ses écuyers pour
descendre de cheval et faire usage de ses jambes.
Nous ne restâmes en Saintonge que le temps
pour mon père de se remettre de ses fatigues. Pour retourner à Quierzy, il dut
se faire hisser dans un chariot attelé de trois chevaux en flèche et aménagé en
litière. Il était méconnaissable, gros comme une outre, visage vultueux et
parole malaisée.
De tout le temps que dura ce voyage, je
chevauchai à son côté, veillant à ce qu’il eût de la bière pour étancher sa
soif inextinguible, et l’aidant à changer sa chemise humide de sueur malgré la
couverture de peau qui recouvrait son véhicule.
Au début de
l’automne, il manifesta son désir de se rendre à Saint-Denis. Avait-il prévu
l’imminence de sa fin ou souhaitait-il retrouver les souvenirs de sa jeunesse
et le scriptorium où il avait appris son métier de roi ? Avant de
quitter Quierzy, il convoqua comtes et évêques afin de préparer sa succession,
alors qu’il n’avait plus tous ses esprits.
J’allais hériter des parties occidentales de
la Francie, des Pyrénées à la mer du Nord, avec quatre grandes provinces :
une partie de l’Aquitaine, la Neustrie, l’Austrasie et la Frise. Ces
possessions formaient un arc de cercle autour des autres territoires confiés à
mon cadet, Carloman : la partie orientale du royaume, la Septimanie, la
Provence, la Bourgogne, l’Alamanie traversée par le Rhin et le Danube. Nous
avions notre part d’adversité, presque toutes nos frontières étant menacées et
la mort annoncée du roi Pépin suscitant chez nos vassaux des velléités
d’indépendance.
J’entrais dans ma vingt-sixième année et
Carloman abordait sa dix-huitième. La Francie étant gouvernée par deux jeunes
souverains, l’Occident aurait pu nourrir des espoirs de paix et de prospérité.
Sentant sa mort
prochaine, le roi Pépin nous convoqua, Carloman et moi, à son chevet.
Son hydropisie s’étant aggravée ; il
avait du mal à bouger, plus encore à s’exprimer, et son visage avait pris
l’aspect d’une courge en train de pourrir. Dans un souffle, il nous fit
promettre d’administrer nos apanages en souverains loyaux, fidèles à leur
serment civil et à leur foi chrétienne, de porter chez les peuplades encore
vouées aux erreurs du paganisme
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