La couronne dans les ténèbres

Holy Rood bien que Corbett pressentît tout de suite que quelque chose n’allait pas. Un palefrenier s’avança pour s’occuper de leurs chevaux, mais repartit aussitôt en courant dès qu’il vit Corbett, les laissant tous les trois sous une pluie battante. Il revint avec le prieur et un jeune homme roux, revêtu de presque toute son armure. Le prieur, son long visage rendu livide par l’anxiété, fit un signe de bienvenue à Ranulf et au frère lai avant de s’adresser à Corbett :
    — Je suis désolé, Hugh ! dit-il en chuchotant presque, votre serviteur peut rester avec nous, mais vous, vous devez accompagner ce chevalier.
    Il désigna son compagnon.
    — Je vous présente Sir James Selkirk qui est avec nous depuis hier. Il est envoyé par l’évêque Wishart avec un mandat d’arrêt.
    — Quels en sont les chefs d’accusation ? lança Corbett d’un ton brusque.
    L’air effrayé, le prieur déglutit nerveusement avant de répondre :
    — Trahison et assassinat. Oh ! Hugh ! poursuivit-il, je ne doute pas de votre innocence, mais il vous faut laver votre nom de tout soupçon.
    Corbett acquiesça, trop dérouté et fatigué pour s’enquérir des détails.
    « Cela doit être une erreur », pensa-t-il avant de se rappeler qu’il n’était qu’un simple clerc anglais en terre étrangère. Il revit le Lawnmarket, les potences noires et sinistres, le criminel qu’on y traînait, et il s’efforça de réprimer ses frissons. Selkirk lui dit de monter à cheval en bon anglais teinté de fort accent écossais. Puis il lui lia les mains fermement au pommeau de la selle et, passant la corde sous le ventre du cheval, lui attacha les chevilles. D’autres soldats s’avancèrent, six ou sept. On amena et sella leurs montures. Avant que Selkirk ne l’entraîne au petit trot hors de l’abbaye, Corbett n’eut que le temps de crier à Ranulf de rester au monastère et de ne rien tenter.

CHAPITRE XII
    Leur court voyage fut rapide et éreintant. A la suite de Selkirk, ils traversèrent la cité, gravirent le rocher escarpé et passèrent le pont-levis du château d’Édimbourg. Bien que trempé comme une soupe, endolori et nauséeux après cette rude chevauchée, Corbett fut tiré sans ménagement à bas de son cheval et traîné le long du donjon. Il essaya bien de protester, mais Selkirk le frappa simplement au visage et, d’une bourrade, lui fit franchir une porte cloutée. Corbett glissa et trébucha quand on lui fit dévaler l’étroit escalier abrupt qui s’enfonçait sous le donjon. L’endroit était sombre, humide et froid ; les murs suintaient, de longues coulées verdâtres luisaient. Lorsque Corbett arriva en bas, un geôlier, vêtu d’une broigne en cuir sale, de jambières et de bottes, l’accueillit d’un regard blasé et lui enleva cape, ceinture et poignard. Puis avec un fort accent écossais, il demanda à Selkirk de lui montrer son mandat ; celui-ci brandit un parchemin en lui disant de se dépêcher. En soupirant, l’homme choisit une clé dans le trousseau qui lui battait la panse et s’engagea d’une démarche de canard dans le couloir exigu et mal éclairé. Il dépassa un certain nombre de cachots avant de s’arrêter devant l’un d’eux, qu’il ouvrit et où il fit signe à Corbett d’entrer. Selkirk poussa le clerc dans la pièce et le fit s’accroupir sur une dalle en saillie ; il trancha ses liens mais s’empressa de lui passer autour des poignets et des chevilles des fers reliés au mur par des chaînes qui permettaient à Corbett de bouger, mais lui meurtrirent rapidement les chairs. Selkirk, debout, le regarda et lui donna une petite tape sur la tête :
    — Eh bien ! Messire l’Anglais ! railla-t-il. Essayez donc de vous balader dans toute l’Ecosse maintenant !
    Sur ce il fit une parodie de salut et sortit en riant, suivi du geôlier qui referma la porte.
    Corbett resta assis à contempler les murs humides ; il régnait une odeur fétide dans l’étroite cellule et seule une ouverture grillagée, percée haut dans le mur, laissait passer un peu d’air et de lumière. Dans un coin Corbett vit un amas de paille humide qu’il supposa être un lit. Il se leva, mais s’aperçut que ses chaînes ne lui permettaient même pas de l’atteindre, aussi se laissa-t-il tomber sur la dalle en se demandant combien de temps durerait sa détention. Les chefs d’accusation étaient la trahison et l’assassinat, mais en quoi avait-il trahi et qui