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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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qui prendrai les décisions co n cernant
la communauté des d é tenues
et je viens vous annoncer que je me passe de votre assentiment. Vous
nous avez abandonnées et lai s sées
pourrir depuis près de deux ans dans ce carbet infect où
nous ne devions rester que prov i soirement.
Vous nous avez fait assez de mal comme ça ! Je vous informe
donc d'ores et déjà que nos femmes sort i ront
tous les jours dans l'enceinte du carbet, et le dimanche elles f e ront
une promenade de plusieurs heures à l'extérieur. À
vous de prévenir les problèmes. Vous êtes payé
pour ça et vous avez suffisamment d'hommes autour de vous pour
vous y aider. Si vous aviez fait ce qu'il faut, ce drame n'aurait pas
eu lieu.
    Le
directeur n'avait pas eu la possibilité de dire un seul mot,
elle tournait déjà les talons. À la porte,
pou r tant,
elle ajouta :
    — J'ai
écrit deux longues lettres durant la nuit et les ai e n voyées
ce matin par le navire qui vient de repartir. L'une est pour ma
hiérarchie, l'autre pour votre m i nistre.
    Il
aurait voulu lui demander ce que contenaient ces lettres, mais elle
venait de claquer la porte.
    La
confirmation de ce qu'il craignait ne se fit pas attendre. Elle lui
arriva par le courrier du navire suivant. Une lettre de son ministère
de tutelle lui apprit sa m u tation
plus tôt qu'il ne l'avait prévue. Mais sa joie à
l'annonce de cette mutation qu'il souhaitait fut de courte durée. Le
courrier de la mère supérieure avait atteint son but.
On lui avait donné un blâme pour ne pas avoir protégé
la vie des détenues, un autre pour les avoir gardées
enfermées alors qu'une épidémie courait, et
e n fin
un dernier pour avoir ainsi provoqué le décès de
plus d'une vin g taine
d'entre elles, fait obstacle à la politique de m a riage
décidée par le gouvernement et surtout gaspillé
de ce fait l'a r gent
du contribuable. On lui annonça donc qu'au retour en France il
serait affecté à un poste inférieur. On
l'envoyait croupir en province dans une petite ville isolée au
cœur du pays. Une cuvette grise où la pluie tombait en
permanence. Il s'effondra, tempêta, jura de se défendre
et clama que ça ne se pass e rait
pas comme ça. Mais les interlocuteurs concernés ne
l'entendirent pas. Ils étaient si loin. Alors il mesura à
son tour l'ingratitude de l'a d ministration
qu'il avait largement couverte pour ses multiples ma n quements,
et il s'en alla en les maudi s sant,
et en maudissant Dieu et ces religieuses qui font des prières
par-devant et le mal par-derrière, et qui en veulent aux
hommes parce qu'aucun n'a voulu d'elles. Le dire c teur
de la pénitentiaire avait des idées toutes faites sur
tout. Sur le bien, sur le mal, et aussi sur les rel i gieuses.
Il allait désormais avoir le temps d'avoir un avis sur
lui-même, et sur ce qu'il avait fait de sa vie.

21
    — Ils
repartent tous. Et ils repartent
vite.
    Le
docteur Villeneuve comptait ses troupes de soignants qui se
r é duisaient
comme peau de chagrin. En temps d'opulence, il était arrivé
qu'ils soient jusqu'à douze pour couvrir tout le te r ritoire.
Mais c'était encore bien insuffisant, et ça n'avait pas
duré longtemps. Ils s'étaient vite retrouvés à neuf
puis à six et, là, ils n'étaient plus que
quatre. Son jeune collègue venait de les quitter en embarquant
précipitamment le dernier navire. Saint-Laurent était
une plaque tournante, pe r sonne
ne restait. Un vrai repoussoir à bonnes
volontés. Le médecin-chef en avait le
t ournis.
Et maintenant il faudrait attendre le navire suivant pour accueillir
ce jeune médecin dont on lui
avait parlé. Celui
qui pia f fait
d'impatience à La Rochelle chez
son ami
Mayeux. Il rassura la mère supérieure
qui était venue aux no u velles
et sollicitait de
sa part
une pré sence
régulière au carbet pour
prévenir les maladies
qui s'y d é claraient
presque chaque jour.
    — Le
prochain médecin sera bientôt là, et je vous
renverrai une fois par semaine . Je
ferai ce
que je peux
    Ne
vous inquiétez pas.
    — Encore
un qui fera courant d'air.
Vos jeunes médecins ne restent pas. Nous avons à peine
le temps de les connaître qu'ils disparaissent. Comment faire
du bon travail dans ces cond i tions
?
    — Il
ne faut pas trop penser ici, ma mère, ce n'est pas un bon
e n droit
pour les états
d'âme. Il faut agir, c'est tout.
    — Agir
! Mais sœur Agnès a agi Voyez le résultat : elle
est motte.
    — On
ne maîtrise pas tout
    — On
ne maîtrise rien, vous voulez dire.

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