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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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sans
aucune di f ficulté
le lyncher tous ensemble, si seulement il leur en avait pris l'e n vie.
Mais ils ne bougeaient pas et subissaient ses insultes.
    «
Quelle lâcheté ! pensa-t-elle. Et lui, quelle assurance
! Quelle fie r té
dans ce bagnard hors normes, tellement a m bigu...
»
    C'est
à cet instant précis de son rêve, au moment où
elle se laissait aller à le voir autrement que comme le fou
diabolique qu'il était, à presque l'admirer, qu'elle se
réveillait en sursaut et en nage. La fièvre remontait
alors, et elle délirait à nouveau. Romain ne
s'expliquait pas ces symptômes incohérents. Les signes
pulm o naires
étaient bons, il n'y avait aucune raison que la fièvre
persiste. Il soupçonna le choc de ce qu'elle avait vécu
cette nuit-là, elle qui n'était jamais sortie du
co u vent
pour autre chose que d'honorables visites familiales dans un monde
confiné. Elle n'était pas en état de reprendre
le travail. Il s'i n quiéta
pour les femmes et décida donc de se rendre au carbet un
m a tin.
    À
sa très grande surprise, deux porte-clefs étaient assis
devant la palissade près de la porte. Ils se lev è rent
en le voyant.
    — On
nous a chargés de surveiller les femmes, expliqua le premier.
    — Mais
y a pas grand-chose à surveiller, enchaîna le second.
Elles font ce qu'elles veulent à l'intérieur, nous, on
ne s'en mêle pas.
    Bien
qu'habitué à en
voir de toutes les couleurs dans cette ville st u péfiante,
Romain était sidéré. Ils avaient choisi ces
hommes, dont on connaissait parfaitement la dang e rosité,
pour surveiller les femmes !
    — Où
est le chef de dépôt ? demanda-t-il.
    — Qui
ça ? fit le porte-clefs.
    — Comment
ça ? Vous ne savez pas qui est le chef de dépôt ?
Et qui vous a chargés de cette mission ?
    — Moi.
    Romain
fit volte-face. Le Chacal se tenait derrière lui.
    — On
attend la sœur qui doit revenir de Cayenne, expliqua-t-il
s o brement.
D'ici là on m'a demandé de trouver des hommes. Tout se
passe bien, elles se tiennent à carreau. J'y veille.
    Tout
le monde connaissait le Chacal, Romain comme les autres avait vite
appris qui il était. Aussi blêmit-il. Comment le chef de
dépôt avait-il osé confier les femmes à ce
fou notoire ?
    Le
Chacal devina les pensées de Romain. Il planta son regard dans
les yeux du jeune médecin qui éprouva en le soutenant
un profond m a laise.
    — Vous
vous faites du mouron pour rien, docteur, dit-il. Elles sont sous
bonne garde, je vous dis. Tant que je m'en o c cupe,
rien ne peut leur arriver.
    Romain savait
l'homme plein de déviances et, sous la normalité
a p parente
de son discours, il soupçonnait des sous-entendus.
    — Qui
vous a demandé de vous en occuper ? que s tionna-t-il.
    — D'après
vous ? fit l'autre.
    Il
n'y aurait rien à en tirer. Romain décida alors de
s'assurer que les femmes allaient bien.
    — On
n'entre pas, fit le Chacal en s'interposant entre le médecin
et l'entrée de la clôture qui e n tourait le
carbet.
    — Pardon
? répliqua Romain. Je suis médecin.
    — Il
n'y a pas de malade. On n'a pas besoin de vous.
    Le
ton était menaçant, Romain en fut suffoqué. Mais
il n'avait pas pour habitude de se laisser i n timider,
il insista,
    — Je
suis médecin et je vais aller les voir, que vous le vouliez ou
non. Laissez-moi passer.
    — Vous
n'entrerez pas.
    — Si
vous ne me laissez pas voir les détenues, je le signalerai au
d i recteur
de Saint-Laurent, Je sais qui vous êtes et ce dont vous êtes
c a pable,
mais vous, vous ne connaissez pas ma détermination et, cette
fois, votre attitude sera très sérieus e ment
sanctionnée, croyez-moi.
    — Je
vous crois, fit le Chacal, imperturbable, en faisant un pas en avant
qui en disait long sur la suite si Romain ne partait pas
immédi a tement.
    Ce
dernier recula. Rien n'arrêtait cet homme, il était de
ceux qui peuvent tuer d'une seconde à l'autre, sans prévenir.
Il l'avait déjà fait, et il était toujours là.
Romain savait que face à lui il n'était pas de taille,
et il ne se mettrait pas en danger inutilement, À la force il
préf é ra la voie
dipl o matique,
fit volte-face et s'en alla en jurant de ne pas se laisser faire et
de men a cer
le directeur de Saint-Laurent-du-Maroni d'un rapport sa n glant
si on ne le laissait pas entrer pour voir l'état des femmes.
Il tremblait. Pour la première fois de sa vie il avait senti
la mort s'approcher de lui sous les traits d'une face humaine, et il
en était bouleversé. Il avançait

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