La Femme Celte
signification simplement
érotique se trouve le rappel de toutes les croyances concernant la nuit de la
Toussaint, la fameuse fête de Samain, où le monde des morts (le Tertre, le sidh , représenté ici par la meule) s’ouvre aux
vivants (le héros vainqueur de l’épreuve, qui entre et qui ressort, représenté
ici par le couteau).
L’aspect érotique du geis n’a évidemment rien d’étonnant et n’est pas spécial aux peuples celtiques. Calypso,
pour vaincre la résistance d’Ulysse, a dû lui faire quelque réflexion
désagréable et injurieuse concernant sa virilité. Ruth a certainement usé de la
même provocation vis-à-vis de Booz. Autrement à quoi servirait le fameux
serment in testiculis , et d’où
proviendrait-il ? C’est bien certainement une des formes du geis répandu dans le monde entier. Ce n’est pas pour
rien, répétons-le, que Deirdré saisit les oreilles de Noisé lorsqu’elle
prononce sur lui le geis : quel auteur
pudibond a-t-il remplacé les testicules par les oreilles ? Il est vrai que
les oreilles avaient leur symbolisme, elles aussi, et que la force du geis , et surtout sa portée morale, ne s’en trouvent
pas diminuées pour autant. Or dans les superstitions populaires, l’aspect
érotique existe toujours, parfois exprimé de façon fort crue. À Fougères
(Ille-et-Vilaine) les filles qui voulaient un homme s’asseyaient sur une pierre
creuse qu’on appelle « Chaire du Diable [416] ». À Carnac
(Morbihan), elles relevaient leurs jupes avant de s’asseoir sur la table d’un
dolmen appelé « la Pierre Chaude [417] ». De même à
Dinan, les filles montaient sur le menhir de Saint-Samson [418] .
En Provence, à Bonduen (Bouches-du-Rhône), il y avait un rocher formant un plan
incliné derrière l’église : ce rocher était devenu poli à force d’avoir
servi pour « l’écorchade », c’est-à-dire le frottement
qu’accomplissaient à nu les filles sur lui pour demander un homme [419] .
Ce même genre de frottement ou de glissade se faisait sur le Grand Menhir de
Locmariaquer (Morbihan), et le contact de la chair nue et de la pierre était
absolument obligatoire [420] . Aux environs de
Grenoble, les filles et les veuves qui voulaient se marier restaient en prière
devant l’oratoire de Brandes, tenant entre leurs genoux une sorte de terme de
pierre appelé « Pierre de saint Nicolas [421] ». Et combien
d’autres exemples de ces pratiques féminines au contact d’un rocher, d’un
arbre, d’une statue ou d’un menhir ?
Un autre rituel extrêmement intéressant est attesté dans de
nombreux endroits, en Aunis, en Saintonge, en Gironde, dans les Deux-Sèvres, en
Vendée, aux environs de Rennes et de Dinan, particulièrement à Plessala
(Côtes-du-Nord) : la femme crache dans la bouche
de celui qu’elle aime et peut ainsi être assurée qu’il lui appartiendra [422] .
On remarquera qu’il s’agit d’une forme inversée et anticipée de l’acte
d’amour : la femme crache sa salive dans la bouche de l’homme parce
qu’elle veut que celui-ci crache sa semence dans son ventre à elle. C’est un
geste authentiquement magique, et de plus capable de déclencher des réactions
physiologiques chez l’homme. C’est une provocation .
Le geis n’est-il pas autre chose ?
D’ailleurs le baiser sur la bouche, l’enfoncement de la langue et le mélange
des salives appartiennent à la même catégorie d’actes qui sont signifiants sur
le plan psychologique comme sur le plan purement physiologique. Cela va de la
vie de tous les jours où la femme cherche à s’habiller de façon à attirer –
même inconsciemment – les regards (et le désir) de l’homme, à l’ enivrer littéralement par l’usage des parfums, à la
vie religieuse, surtout dans l’Antiquité, où l’image de la déesse était souvent
représentée non seulement nue, mais la robe relevée, exhibant avec impudeur ses
parties sexuelles. Ce n’est ni plus ni moins, dans cette forme ancienne, comme
dans sa forme aberrante actuelle considérée en tant que perversion, que de l’ exhibitionnisme . Et pourtant, comment ne pas y voir
une forme très atténuée et altérée du geis ?
L’art et la littérature sont remplis d’exemples de ce genre [423] .
D’ailleurs l’homme ne peut faire autre chose que de se
laisser prendre à ce jeu. Le pouvoir magique de la salive rejoint le pouvoir
magique du Philtre que boivent Tristan et Yseult [424] .
En fait, pour être
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