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La grande guerre chimique : 1914-1918

La grande guerre chimique : 1914-1918

Titel: La grande guerre chimique : 1914-1918 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Lepick
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n’avaient rien à voir avec l’honneur d’un soldat [237] .
À la date du 23 avril 1915, Raymond Poincaré notait avec un étonnant
à-propos : « C’est l’organisation du crime ; et demain pour nous
défendre, n’allons-nous pas être forcés d’employer hélas ! les mêmes
moyens ? » [238] Quant au général Pershing, il exprimait un sentiment partagé par un grand
nombre en écrivant « qu’il avait l’impression que les Allemands avaient
abandonné tout principe d’humanité dans le vent de Langemarck » [239] .
La semaine suivante, Lord Kitchener clamait devant la Chambre des Lords :
    « Les Allemands ont, la semaine dernière, initié une
technique leur permettant de mettre hors de combat leur adversaire au moyen de
gaz délétères et asphyxiants. Ils ont utilisé cette méthode, contraire aux lois
de la guerre, pour leur permettre d’obtenir une victoire qu’ils n’auraient
sinon jamais remportée. À ce sujet, je voudrais rappeler aux membres de cette
Chambre l’article suivant de la Convention de La Haye : les parties à
la Convention s’engagent à ne pas user de projectiles dont le seul objectif est
de diffuser des gaz asphyxiants ou délétères. » [240]
    Dès le lendemain, cette déclaration fut transmise aux
délégations des pays neutres présentes à Londres.
    Une polémique s’engagea entre les belligérants pour
déterminer si l’utilisation de ces « nuages gazeux dérivants » de
chlore était conforme aux lois de la guerre. Les Allemands avançaient qu’en
laissant le gaz s’échapper de cylindres pressurisés sans utiliser d’armes ou de
projectiles, ils ne contrevenaient pas à la Convention de La Haye [241] .
Une interprétation à la lettre de la Convention de La Haye de 1899, qui
prohibait « l’utilisation de projectiles dont le seul objectif est de
diffuser des gaz asphyxiants ou délétères », permettait en effet aux
juristes allemands de prétendre, non sans cynisme, que l’opération du 22 avril
n’entrait pas dans cette catégorie puisque aucune arme, ni aucun projectile n’avaient
été utilisés. Dans une lettre à George V datée du 27 avril 1915
et relatant une réunion du cabinet, Asquith, le Premier ministre britannique,
semblait donner crédit à l’interprétation allemande en écrivant que « dans
la mesure où les gaz étaient apparemment stockés dans des cylindres et non dans
des projectiles, leur utilisation ne constitue peut-être pas une infraction des
termes littéraux de la Convention de La Haye » [242] . Non sans
provocation, le journal allemand Kölnische Zeitung allait même jusqu’à s’interroger
dans un article : « Est-il un plus doux procédé de guerre, est-il un
procédé plus conforme au droit des gens que de lâcher une nuée de gaz qu’un
vent léger emporte vers l’ennemi ? » [243] Les autorités
allemandes, profitant du flou juridique dans lequel baignait le cas de l’arme
chimique, ajoutèrent que d’une part, les Alliés avaient initié l’utilisation
des gaz et que d’autre part, les gaz n’étant pas des poisons, ils n’entraient
pas dans le cadre de l’article 23  a de la Convention de
La Haye de 1907. À plusieurs reprises au cours du conflit puis dans les
années qui suivirent, Fritz Haber affirma que les gaz n’étaient pas plus cruels
que les obus conventionnels [244] . Cette position
fut d’ailleurs défendue par un certain nombre de militaires et d’historiens [245] qui s’exprimèrent
après la fin du conflit. Pour ce qui concernait les obus T-Stoff, l’état-major
allemand rappelait que ces projectiles n’infligeaient en aucune manière des
souffrances inutiles à l’ennemi puisqu’ils avaient seulement pour effet de
réduire ou briser temporairement sa capacité à combattre [246] . Les Alliés ne
partageaient bien évidemment pas cette opinion et la polémique à propos de la
nationalité réelle de l’initiateur de la guerre chimique perdura bien après la
fin des hostilités [247] .
L’organisation des services allemands de guerre chimique
    Les Allemands avaient créé une organisation bicéphale dont
la simplicité contrastera avec la complexité des services alliés. Nous avons
déjà évoqué l’existence de ces organismes : le Kaiser Wilhelm Institut de
Berlin et, bien sûr, les imposants laboratoires de la société IG Farben. Le
ministère allemand de la Guerre avait, dès le début de l’année 1915, attribué
le titre de centre de

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