La grande guerre chimique : 1914-1918
l’état-major britannique entreprit de rechercher
un site d’entraînement chimique sur le continent. Le fait de disposer d’un
centre d’expérimentation en France était doublement indispensable : tout d’abord,
la proximité du front autorisait une disponibilité plus rapide des unités et,
ensuite, les conditions météorologiques étaient proches de celles que l’on
trouverait sur le théâtre des opérations un peu plus à l’est quand le temps
serait venu de lancer la première offensive chimique. Pour toutes ces raisons,
le site de Helfaut à moins de 10 km au sud de Saint-Omer, où était déjà
installé le GHQ britannique, fut retenu. Le major Foulkes confia le
commandement de ce centre d’entraînement à Gordon Monier-Williams, du Special
Service Party, titulaire d’un doctorat en chimie de l’Université de Freiburg.
Au petit matin du 18 juillet 1915, les premières recrues arrivèrent à
Helfaut. L’une des premières initiatives du major Foulkes à Helfaut fut de
constituer une structure météorologique capable d’enseigner à ses hommes les
rudiments de cet art. Pour ce faire, il rencontra le colonel Ernest Gold,
Meteorological Superintendent à l’état-major de Saint-Omer [318] . Ce dernier accepta
d’assurer la formation des Special Companies et commença à recueillir sur le
front les paramètres météorologiques indispensables à la réussite de l’entreprise
dont Foulkes avait la responsabilité.
Le haut-commandement britannique avait décidé que la première
offensive chimique devait prendre la forme d’un lâcher de chlore sur un front
de près de 5 km lors de l’attaque britannique planifiée contre Loos. À l’origine,
cette opération devait se dérouler au mois de juillet dans la mesure où le
ministère de la Guerre s’était engagé à fournir 1 600 cylindres
pressurisés emplis de chlore à la date du 17 juillet. Cette échéance ne
put être respectée, et l’opération fut donc repoussée. Les premières
expérimentations britanniques à l’aide de chlore eurent lieu au début du mois
de juin 1915 [319] ,
soit moins de deux mois après l’attaque allemande de Langemarck. Le 22 août 1915,
une démonstration à grande échelle fut organisée à Helfaut en présence du général Haig,
alors commandant en chef de la première armée britannique, et de la majeure
partie de son état-major. Le test se révéla si concluant, le général Haig
si enthousiaste, que Liddell Hart en éprouva un certain trouble, suggérant que
les espoirs suscités par l’arme chimique étaient peut-être quelque peu exagérés [320] .
À la date du 1 er septembre 1915, seule
la moitié des 6 500 cylindres de chlore pressurisé, requis pour une
attaque de grande envergure, était parvenue sur le continent. De plus, la
quatrième compagnie des Special Companies n’arriva à Helfaut qu’au début du
mois de septembre. L’offensive fut donc une nouvelle fois reportée. À ce moment
précis, les Allemands ne s’attendaient pas à une réplique chimique alliée avant
de longs mois. Il était cependant difficile pour les militaires britanniques de
cacher à l’ennemi le convoyage de milliers de cylindres au sein d’une
population relativement dense. De fait, le Kronprinz, dans une
circulaire datée de la fin août 1915, mettait en garde ses troupes contre
une éventuelle attaque chimique britannique et insistait sur l’importance des
mesures de protection [321] . L’existence de
ce document semble conforter l’idée que les autorités allemandes pressentaient,
certes confusément, l’imminence d’une réplique chimique britannique.
Au début du mois de septembre, les pressions françaises, à
la fois politiques et militaires, avaient balayé les réticences initiales de l’état-major
britannique à la perspective d’une large offensive alliée pour l’automne. Plus
contraints que réellement enthousiastes, French et Haig durent se ranger aux
conceptions de Joffre [322] . À l’origine,
les plans du général Haig prévoyaient pour cette période une offensive
limitée de deux divisions. Les nouvelles orientations stratégiques imposaient
des opérations beaucoup plus ambitieuses. Toujours subjugué par la démonstration
du 22 août, Haig remania ses plans en y intégrant une dimension chimique.
Si les vents se montraient favorables, avec l’appui de six divisions, Haig
pensait que les gaz pouvaient permettre une rupture décisive du front ennemi
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