La guerre des rats(1999)
maison. Avion et café.
D’abord la cible haute. Le casque dans l’entaille.
Laisse ton pouls se calmer.
Le réticule. Immobile. Noir. Tranchant.
Il y a de la beauté, là-dedans.
La cible attend. Elle appelle la balle, pleine mouche.
Pull !
Je presse la détente.
Un homme. Il a levé les bras. Il est tombé. Pourquoi a-t-il sauté comme ça ? Étrange. Il aurait dû s’écrouler net. Je sais que j’ai fait mouche. Heinz, oublie-le ! La seconde cible. Le tunnel. Trouve-la. Bouge !
Ramène la culasse en arrière. Mouvement souple et rapide. En avant. Maintenant. Baisse ton fusil, en bas et sur la droite. Trouve le Lièvre, trouve son tunnel luisant. Où est-il ? Trouve-le ! Vite ! Trop de mouvement. Bon sang ! Où est-il ?
Combien de temps s’est écoulé ? Trop !
Des secondes. Rien que des secondes, Heinz.
Reste calme. Il ne peut pas te voir. Trouve-le.
Stop ! La voilà, la douille d’obus.
La voilà sa lunette, avec l’œil mou du Lapin derrière.
La cible basse. Laisse ton pouls s’apaiser.
Le réticule. De toute beauté.
Mark.
Fini.
27
Zaïtsev était allongé sur le ventre, les pieds écartés derrière lui pour assurer un bon équilibre.
Il glissa un centimètre seulement du canon de son Moisin-Nagant dans la douille de cuivre qu’il avait enfoncée pendant la nuit au pied du mur. C’était le truc du jour, une ruse allemande ramenée des pentes du Mamayev Kourgan. Il espérait qu’après quatre jours de duel Thorvald ne serait plus assez vigilant pour repérer ce petit orifice. Cela lui avait pris des heures, de creuser une galerie dans les cailloux pour la douille d’obus. Pendant ce temps, Koulikov avait taillé une encoche dans le mur avec son couteau, à vingt mètres sur la gauche de Zaïtsev. Les deux hommes n’avaient pas échangé un mot avant d’avoir terminé.
C’était une idée simple. Attirer le feu de Thorvald par une feinte. L’entaille était si évidente que le Professeur la remarquerait dès que la lumière matinale éclairerait suffisamment le parc. Elle fixerait son attention, l’empêcherait de s’égarer vers la douille enfoncée au pied du mur, sur la droite. C’est dans ce tunnel que se trouvait, braqué droit sur la tanière de l’Allemand, le véritable dard qui devait le piquer, le fusil du Lièvre.
Si le regard de Zaïtsev plongeait droit dans le noir, sous la tôle, quand Thorvald tirerait sur Koulikov, il verrait peut-être l’éclair sortant du canon. Il pourrait alors risquer un coup à l’aveuglette sur la langue bleuâtre. S’il manquait la cible, il chasserait le Professeur de sa position et le duel reprendrait sans doute dans un autre endroit de la ville. Aussi déplaisant que fût ce résultat, on ne pouvait l’éviter. Un homme, une balle ? La devise sonnait bien, mais Thorvald n’était pas seulement un homme. C’était une ombre tueuse. Il valait mieux saisir la première — et probablement la seule — occasion quand elle se présentait, même si la chance de faire mouche était mince. La traque du Professeur avait pris plusieurs jours et plusieurs vies ; elle pouvait prendre aussi plusieurs balles.
Le soleil était haut dans le ciel maintenant et avantageait Zaïtsev, peut-être pour une heure de plus seulement. C’est le moment d’agir, pensa-t-il. Le Professeur s’attend à ce qu’on fasse quelque chose tant que la lumière vient de l’est. Zaïtsev posa sa joue sur le bois froid de la crosse, rapprocha son œil de la lunette, amena son réticule sur la tôle soutenue par une pile de briques. Il inclina la joue d’un millimètre pour abaisser le centre de la croix jusqu’au trou noir entre les briques, dans la tanière du Professeur.
— Maintenant ! cria-t-il à Koulikov.
Une minute plus tôt, Koulikov avait posé une brique sur son crâne, remis son casque pardessus et serré la jugulaire sous son menton. Les deux hommes espéraient que les dix centimètres d’espace entre le haut du casque et le cuir chevelu constitueraient une marge de sécurité suffisante pour la tête de Koulikov. Ils avaient estimé l’un et l’autre qu’un casque dansant au bout d’un bâton ne ferait pas réagir le Professeur. Il fallait que le mouvement du casque soit naturel ; il fallait qu’il soit sur une tête.
Le plan prévoyait ensuite que Koulikov se pencherait devant l’entaille puis reviendrait en arrière, afin que le mouvement attire l’attention du Professeur, et…
Koulikov tira. Le coup de feu, étape
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