La naissance du roi Arthur
suivi Joseph d’Arimathie sur cette terre de Bretagne pour y mettre
le Saint-Graal à l’abri des mécréants. Joséphé était lui-même très faible à
force de veiller et de jeûner, à force d’errer par les pays et les royaumes. Et
il lui vint un songe au cours duquel il lui fut révélé qu’il devait bientôt
trépasser du siècle. Alors il voulut revoir Mordrain, cet Évalach qu’il avait
baptisé et qui était devenu le Roi Méhaigné. Il alla le trouver et lui annonça
sa mort prochaine.
Mordrain s’agenouilla devant l’évêque Joséphé, et il lui
parla ainsi : « Ami très cher, quand tu auras quitté ce monde, il me
faudra demeurer seul pendant tout le temps de ma pénitence, et cela jusqu’au
jour où le Bon Chevalier viendra me délivrer. Je te prie, pour l’amour de Dieu,
de me laisser un témoignage qui puisse m’aider à supporter ma souffrance et ma
solitude. » Alors, de son propre sang, l’évêque traça une grande croix sur
le bouclier de Mordrain, et il lui dit que cette croix demeurerait toujours
fraîche et vermeille à travers les temps. Et le Roi Méhaigné se fit mettre sur
les lèvres le bouclier qu’il ne pouvait voir de ses yeux brûlés, et il le baisa
en pleurant. Quant à Joséphé, qui savait que son dernier jour était proche, il
était déjà parti pour rejoindre son jeune frère, Alain, le Riche Pêcheur.
« Frère, dit-il, c’est toi qui seras le gardien de la
coupe d’émeraude qui contient le sang de Notre Seigneur. Au nom de Jésus-Christ,
et au nom de notre père, je t’investis de cette mission qu’il te faudra mener
de façon à ce que notre lignée ne puisse jamais s’interrompre jusqu’au jour où
viendra le Bon Chevalier qui terminera les temps aventureux. Quand tu auras
quitté ce monde, à ton tour, ce seront tes descendants qui auront la garde du
Saint-Graal, et, en mémoire de toi, on les nommera les Riches Rois
Pêcheurs. » Et Alain lui répondit : « Frère, je ferai tout ce
que tu me dis, et je trouverai le lieu qui est appelé les vaux d’Avalon pour y
construire la forteresse où sera conservée et gardée la coupe
d’émeraude. »
Après la mort de Joséphé, Alain quitta le pays avec le Graal
et tous ceux qui survivaient de ceux qui avaient accompagné Joseph d’Arimathie.
Il arriva bientôt dans un royaume peuplé de sottes gens qui ne savaient rien,
sinon conduire des troupeaux et cultiver des champs. On appelait ce royaume la
Terre foraine, et c’est un roi lépreux du nom de Kalaphe qui y régnait. Alain
se présenta devant le roi et lui promit de le guérir pourvu qu’il fît ce qu’il
lui dirait de faire. « Si tu me jures de me rendre la santé, dit le roi,
il n’y a rien que je n’accomplirai de tout ce que tu m’ordonneras. » Alain
lui répondit : « Abandonne la foi qui est la tienne et fais-moi couper
la tête si tu n’es pas immédiatement guéri de ta maladie ! »
Alors Kalaphe ordonna à ses gens d’abattre et de brûler les
idoles qui se trouvaient dans les temples de son royaume. Alain le baptisa et
lui donna le nom d’Alphasem. Puis il fit apporter le Graal. Et dès qu’il eut
aperçu de loin la coupe d’émeraude, le roi se sentit tout à coup en pleine
santé. Et il publia un édit qui obligeait tous les habitants de son royaume,
hommes et femmes, à se faire chrétiens. Puis il donna sa fille en mariage à Alain
le Gros, le Riche Roi Pêcheur. Et surtout, il lui indiqua où se trouvaient les
vaux d’Avalon. Alain se rendit en ce lieu, qui était une île au milieu des
marécages, et il y fit construire une grande forteresse à laquelle il donna le
nom de Corbénic. Et c’est là, dans une chambre secrète, qu’il fit placer le
Saint-Graal.
Mais personne ne le savait. Et ceux qui passaient près de la
forteresse de Corbénic ne la voyaient pas, car elle était toujours entourée de
brouillards. C’est pourquoi certaines personnes appelaient ce lieu la Cité de
Verre. Et pendant plusieurs siècles, personne ne sut découvrir le chemin qui
menait au Château Aventureux [41] .
CHAPITRE IV
La Trahison de Vortigern
En ces mêmes temps, il y avait, chez les Romains, un consul
sage et avisé du nom de Macsen, et qui avait été choisi pour commander à tous
les autres. Il gouvernait avec habileté et prenait grand soin de faire
respecter la paix entre tous les peuples que Rome avait soumis. Mais, un jour
qu’il était allé à la chasse, en compagnie de ses officiers et de ses
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