La naissance du roi Arthur
les Bretons se transportèrent devant Rennes qu’ils
prirent sans coup férir, car ils ne trouvèrent la ville occupée que par des
femmes : les Gaulois, qui avaient entendu parler de la cruauté des Bretons
qui leur avaient tué leur roi et qui avaient fait un grand massacre de ses
gens, n’avaient pas osé rester et s’étaient enfuis. De la même façon, les
Bretons prirent la cité de Nantes, celle de Vannes et celle de Léon, ainsi que
toutes les autres forteresses, tous les bourgs et tous les villages de
l’Armorique. Ils tuèrent tous les hommes et tous les garçons qui se trouvaient
dans le pays. Cependant, ils épargnèrent les femmes et les filles, car ils
voulaient les épouser et repeupler l’Armorique avec leur lignage. Mais ils leur
coupèrent la langue à toutes de façon à ce que leurs enfants ne pussent parler
une autre langue que celle de leurs pères. Et c’est depuis ce temps-là que l’on
parle le même langage dans l’île de Bretagne et en Armorique [45] .
Après qu’ils eurent ainsi vidé de Gaulois tout le pays qui
va jusqu’à la Neustrie, que nous appelons aujourd’hui Normandie, et jusqu’au
fleuve de la Maine où se trouvait la forteresse d’Angers, Macsen et Konan
établirent bon nombre de leurs fidèles dans les villes qu’ils venaient de
conquérir, à charge pour ceux-ci de les renforcer et de constituer des remparts
contre d’éventuelles expéditions des Gaulois. Quand cela fut fait, Macsen
envoya des messagers dans l’île de Bretagne pour qu’on y rassemblât cent mille
hommes du peuple, et il les fit s’établir dans le royaume d’Armorique. Et pour
que ces gens du peuple fussent préservés et défendus, il fit également venir
trente mille guerriers de l’île de Bretagne et il les répartit par toutes les
contrées du royaume. Alors Macsen laissa le pays en pleine et entière
possession de Konan. Et Macsen, avec un grand nombre de Bretons, passa plus
avant dans la Gaule, combattant contre les Gaulois et les Romains, conquérant
des cités et des bourgs, et ravageant les terres lointaines. Il ne revint
jamais en Armorique, pas plus qu’il ne retourna auprès de sa femme Élen, dans
l’île de Bretagne. Quant à Konan, il organisa son royaume et le partagea entre
ceux qui l’avaient servi le plus fidèlement. Et c’est ainsi qu’il donna le pays
de Vannes à l’un de ses parents, lequel fut l’ancêtre des bons chevaliers que
furent Lancelot du Lac et Bohort de Gaunes. Et c’est depuis ce temps que
l’Armorique fut appelée la Petite-Bretagne, ou encore la Bretagne armorique [46] .
Cependant, l’île de Bretagne était la proie des Pictes et
des Gaëls qui venaient y faire de fréquentes incursions et y pillaient les
forteresses et les campagnes sur leur passage. Et il n’y avait plus de Romains
pour assurer la défense de ce pays du bout du monde. Le fils d’Élen et de
Macsen avait bien tenté de rassembler tous les chefs bretons pour faire face
aux ennemis, mais les rivalités internes, les querelles entre les chefs
n’avaient pas permis de repousser ceux-ci. Et le peuple vivait dans la terreur.
Cela dura ainsi jusqu’à ce que Constantin le Béni, arrière-petit-fils de
Macsen, refoulât les Pictes au-delà de la grande muraille que les Romains
avaient fait construire au nord de la Tyne. Il y eut alors une période de calme
et de paix. Mais tout recommença à la mort de Constantin. Celui-ci laissait en
effet trois fils, Emrys, Uther et Constant. Ce dernier s’était fait moine et il
n’aspirait à aucun pouvoir, mais les chefs des différents peuples ne
parvenaient pas à choisir entre Emrys et Uther.
C’est alors qu’un neveu de Constantin, qui était un
Vortigern, se mit de la partie. Il fit tant et si bien qu’il persuada le
troisième fils de Constantin, Constant, de revendiquer la royauté, se mettant
ainsi en position d’arbitre entre ses deux frères. Faute de mieux, les chefs
élurent donc Constant comme leur roi. Mais Constant était faible et il n’avait
aucune ambition, lui qui avait choisi la voie du silence et du recueillement.
Il nomma Vortigern sénéchal du royaume et le laissa gouverner à sa guise. Car
Vortigern était habile et sans scrupule. Il avait conclu un accord avec les
Pictes, leur promettant des terres s’ils l’aidaient à conquérir le royaume de
Bretagne. Et, comme il était très riche, il soudoyait les chefs et les faisait
agir selon sa volonté. Il s’était même arrangé pour que les gardes
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