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La naissance du roi Arthur

La naissance du roi Arthur

Titel: La naissance du roi Arthur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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et que les générations futures te
nommeront Taliesin Pennbardd. Tu seras le meilleur des bardes que cette terre
ait connus depuis que le monde est monde. Ainsi en est-il de la destinée des
êtres. Autrefois, tu te nommais Gwyon le Petit, et tu n’étais qu’un jeune homme
timide qui ne savait pas où allaient le porter ses pas, tandis que maintenant,
depuis que tu as bu les trois gouttes et que la magicienne Keridwen t’a redonné
une nouvelle naissance, tu es vraiment Taliesin, le chef des bardes de tous les
royaumes qui sont au couchant du soleil… »
    Taliesin lui répondit : « Je sais qui tu es. Tu es
le fils d’un démon à qui le maître des Cieux a donné le don de savoir ce qui
arrivera dans l’avenir. Tu es l’esprit du temps et de l’espace, celui qui sait
la valeur des planètes et connaît le sens de chaque brin d’herbe sur cette
terre où nous sommes incarnés toi et moi. Les hommes de Bretagne t’ont donné le
nom de Merlin, et tu es celui qui doit venir pour dire aux princes de ce monde
sur quel chemin ils doivent s’engager. Je te salue, Merlin, toi le prophète et
le magicien des temps passés, des temps présents et des temps futurs, toi dont
le rire étonne ceux qui t’interrogent, et qui dénoues d’un regard les intrigues
les plus tortueuses. Mais je connais aussi tes faiblesses. Car tu es un homme,
Merlin, et tu as parfois tendance à l’oublier. Tu marches sur le sol et tu
t’imprègnes de la terre. Or, cette terre t’inonde de son rayonnement subtil, et
tu ne pourras pas t’y soustraire. » L’autre le regarda d’un air étrange.
« Oui, je suis ce Merlin dont tu parles, dit-il. Mais maintenant,
prophétise, dis-moi les choses que tu connais, mais dont tu ignores peut-être
le sens caché. »
    « Très bien, dit Taliesin. Je vais te chanter un chant.
Le voici : Je suis le sage de la science primitive, je suis l’astrologue
averti, je dis la colère, je dis la solution des problèmes. L’inspiration que
je chante, je l’apporte des profondeurs. Une rivière, pendant qu’elle coule, je
sais son étendue, je sais quand elle apparaît, je sais quand elle se remplit,
je sais quand elle déborde, je sais quand elle disparaît, je sais quelle
profondeur il y a sous la mer, je sais combien nombreuses sont les heures dans
un jour, je sais combien nombreux sont les jours dans l’année, combien nombreux
sont les épieux dans une bataille, combien nombreuses sont les gouttes de
l’averse, doucement éparpillées au gré des vents. »
    « Oui, dit Merlin, et que sais-tu encore ? »
Taliesin se remit à chanter : « Je sais combien nombreux sont les
vents, les ruisseaux, combien nombreuses sont les rivières, je connais la
largeur de la terre et son épaisseur. Je sais pourquoi résonne une colline, je
sais pourquoi une vache est connue, pourquoi une épouse est aimante, pourquoi le
lait est blanc, pourquoi le houx est vert, pourquoi le chevreau est barbu dans
la multitude des champs, pourquoi ronde est la roue, pourquoi le petit du
chevreuil est tacheté, pourquoi le sel est le support de la mémoire. Je sais
pourquoi l’aulne est de couleur pourpre, pourquoi la linotte est verte,
pourquoi une femme n’a point de repos, pourquoi la nuit tombe. Mais personne ne
sait pourquoi les entrailles du soleil sont rouges. » Merlin lui
répondit : « Mais tu sais bien d’autres choses encore, Taliesin, chef
des bardes des pays où le soleil se couche. Dis-les moi, je te prie. »
Taliesin reprit : « Je sais que la patte du blanc cygne est noire, je
sais quels sont les éléments, je sais quelles sont les errances des sangliers
et des cerfs dans les forêts inaccessibles. Je connais les coucous de l’été, je
sais où ils seront en hiver. Je connais le bien et le mal. Je connais la coupe
d’où a coulé le flot qui inonde le monde, je sais où l’aurore devient le jour
et où le crépuscule devient la nuit. »
    « Tu prétends tout connaître, ou presque tout, dit
Merlin. Mais, dis-moi : Quelle fontaine éclate sous le couvert de l’ombre,
alors que le roseau est blanc sous la lumière de la lune ? Dis-moi :
Quand une pierre est si lourde, quand une épine est si aiguë, sais-tu ce qui
vaut mieux, de la base ou du sommet ? Dis-moi encore : Sais-tu qui tu
es quand tu dors, un corps, une âme ou un repaire de perceptions ? Quelle
est la place de l’âme ? Quelle forme ont ses membres ? Où
s’épanche-t-elle ? Quel air respire-t-elle ?

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