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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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enclos ceint d’un mur de pierres agglomérées. Un cimetière d’herbes, de sable et de fougères qui dormait au soleil. Au milieu des tombes se dressait un puits à poulie, très vieux, secret, ombreux, sans fond, creusé là pour rafraîchir les rêves des défunts sous la dure lumière de l’été. Goupil bascula le seau de la margelle, but à longs traits et s’essuya la bouche d’un revers de main.
    —  Allons-y.
    Il déboucha sur l’estacade. Il savait que les pêcheurs de Rochefort et de Fouras accostaient dans l’île. Les uns dans l’espoir d’apercevoir l’Empereur, les autres pour proposer leurs services. Il lui suffisait de se mêler à eux... Il portait comme eux le pantalon de treillis guêtré de vase, la vareuse délavée, le béret amidonné de coquilles agglutinées, et au bras un panier de fil de fer, où il avait entassé les deux cents huîtres qu’il allait offrir aux officiers.
    Dès qu’il aborda les remparts, il vit les canots qui effectuaient la navette entre les chasse-marée et le quai. Des matelots, des enseignes, et un grand lieutenant aux cheveux roux et au teint couleur de brique qui criait des ordres entrecoupés de jurons   :
    —  Grouillez-vous, sacré nom..., il faut que les gréements soient en place pour 8 heures ce soir...
    Goupil se planta sur le quai et il aborda un enseigne du 14 e de Marine   :
    —  Tenez, les gars, j’ai apporté des huîtres du Vergeroux, c’est les meilleures, je vous les ouvre ?
    Au cours de la dégustation, Goupil lorgnait les deux chaloupes dont les matelots ajustaient les gréements.
    —  Alors comme ça on pavoise les chasse-marée   ? C’est-y pour la chasse à la baleine ou pour servir d’escorte à Napoléon   ?
    —  Ces chasse-marée seront loin demain, bonhomme, bien loin...
    Debout sur l’embarcadère le lieutenant Chateauneuf note à haute voix les détails du chargement. Goupil écoute bouche bée la criée monotone de la cargaison de la Zélie.
    —  ... Bonnette de misaine et bonnette de perruche. Compas, sablier, octant, loch, cartes... Trois matelas avec leurs couvertures... Pour le capitaine d’armes, 6 pistolets et 154 fusils... Pour le commis aux vivres 240 litres d’eau-de-vie... Du vin de campagne, du fromage, des fèves et de la moutarde, des tablettes de bouillon et des barils d’oseille, de la chandelle, des biscuits...
    Docile aux directives du capitaine Besson on mène grand train le chargement des chasse-marée. Pour que nul ne l’ignore et pour que la rumeur se répande dans l’île et au-delà... Cette rumeur sera confortée par le retour d’un pilote à la maison de l’Empereur. L’aménagement des deux chasse-marée se fait au grand jour.
    —  Alors, l’Empereur embarquera sur la Zélie ?
    —  Non, sur Les Deux Amis.
    —  Ils ont demandé à la Méduse un supplément de gréement... Ils embarquent cette nuit.
    Goupil boit à la gourde des marins et tend l’oreille...
    —  Oui, mon bonhomme, les bagages sont à bord des chaloupes. On fera monter sur celle-ci le chef d’escadron Planat de La Faye, le domestique et quatre officiers.
    —  Et sur l’autre   ?
    —  L’Empereur, Saint-Denis, Bertrand, Savary et Lallemand.
    Pendant ce temps, Marchand a rejoint Besson à bord du Magdalena. Il lui remet une ceinture de cuir bourrée d’or « pour le compte de l’Empereur ».
    —  Sa Majesté, dit Marchand, ne garde avec lui que cette petite quantité d’or. Je vais partager le reste entre ceux qui devaient s’embarquer avec Sa Majesté. L’Empereur souhaite vous rencontrer ce soir.
    —  Sire, le capitaine est là avec ses marins.
    —  Quel capitaine   ?
    —  Besson.
    —  Dis-lui d’attendre. Et toi, remets en état toutes mes armes.
    —  Lesquelles, sire   ?
    —  Toutes   : mes six paires de pistolets, les quatre fusils de chasse. Tu vérifieras soigneusement le double à crosse tournante. Tu vas empaqueter mes affaires de toilette, mes effets de linge, mes habits. Tu les déposeras dans les trois grandes malles. Allons, presse-toi.
    —  Sire ?
    —  Quoi encore   ?
    —  Il y a quelque chose de surprenant, ces matelots sont anglais.
    —  Comment le sais-tu   ?
    —  Je les ai entendus parler.
    Napoléon descendit pesamment l’escalier et héla Besson.
    —  Alors, capitaine, il paraît que vous avez des matelots britanniques   ?
    Besson se figeait   :
    —  Moi, sire, lesquels   ?
    —  Eh bien, ces trois-là.
    Besson sourit  

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