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La nuit de l'ile d'Aix

La nuit de l'ile d'Aix

Titel: La nuit de l'ile d'Aix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Prouteau
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l’honneur, aujourd’hui, c’est la route de la Loire.
    —  Non, ce sont les voies de la paix civile.
    —  Et quand tu es revenu de l’île d’Elbe   ?
    —  J’ai reconquis la France sans donner un coup de feu, sans verser une goutte de sang.
    —  Et quand tu as passé la frontière il y a un mois   ?
    —  Pour la France, j’avais le droit de répandre le sang français. Cette fois-ci, ce serait pour moi et pour moi seul.
    Joseph respira bruyamment, reprit son souffle et, désignant sa malle   :
    —  Sais-tu ce que j’ai apporté dans mes bagages   ? Un uniforme de colonel de La Garde.
    —  Tu veux passer en revue le régiment de marine   ?
    —  Non, je veux m’habiller en Napoléon. Regarde-moi, nous nous ressemblons si fort qu’on peut nous prendre l’un pour l’autre. Au moins ceux qui ne sont pas nos familiers. Or les Anglais ne t’ont jamais vu qu’en caricature. Alors, voilà ce que je te propose... Je vais prendre ta place, me faire passer pour toi, le temps que tu prennes le large... Une fois que tu seras en haute mer, je demanderai à me rendre aux Anglais. Je lanternerai, je temporiserai. Lorsqu’ils auront la surprise que leur prise est une méprise, ils n’auront plus qu’à mettre le cap sur l’Angleterre. Toi, tu vogueras vers l’Amérique, qu’en penses-tu   ?
    Napoléon le regardait s’animer, ébauchait un pâle sourire.
    —  Mon bon Joseph, j’aimerais que maman soit là pour t’entendre. Tu me ramènes aux temps heureux où je t’écrivais d’Égypte   : « Tu es mon seul ami au monde   »..., mais tu lis trop de romans, tu penses bien que si je me prêtais à cette mascarade nous rejoindrions le marquis de Carabas et le Masque de fer dans l’histoire du roman picaresque. As-tu pensé que nous sommes responsables vis-à-vis de l’Histoire   ? Et qui te dit qu’on ne s’apercevrait pas très vite de la supercherie   ? Et quand les Anglais découvriront que tu les as trompés sais-tu ce qui arrivera   ? Ils te remettront aux Alliés qui te feront passer en Cour martiale. Tu seras fusillé...
    Joseph s’était assis, accablé. Il secouait la tête.
    —  Et même si je suis fusillé... Puisque toi tu seras en sûreté.
    —  Comment serais-je en sûreté   ?
    Joseph s’enflammait à nouveau   :
    —  C’est très simple, puisque tu sembles renoncer à Besson, j’ai fait fréter le bateau nolisé de mon ami Pelletreau de Rochefort. Il est mouillé dans l’estuaire de la Gironde. C’est un bâtiment très rapide et bien gréé. Le commandant connaît les passes. Tu partiras demain dans la nuit. Ma voiture t’attend.
    Napoléon s’était levé, il avait mis solennellement les mains sur l’épaule de son frère, et d’une voix mouillée   :
    —  Joseph, tu es le meilleur des hommes. Mais tu comprends bien que ce n’est pas possible, ce jeu de théâtre que tu proposes. Occupe-toi de ta sécurité, toi aussi tu es en danger.
    L’entretien fut interrompu par l’arrivée du général Lallemand.
    —  Alors, général   ?
    —  Sire, j’étais la nuit dernière à bord de la Bayadère. C’est ce navire qui nous offre encore la solution la plus rationnelle et la moins dangereuse. Le capitaine Baudin est un grand marin. Il est parfaitement armé, bien approvisionné. Et la rivière de Bordeaux est beaucoup moins surveillée par les Anglais que la côte des Charentes. Tous les officiers à qui j’en ai parlé à Rochefort inclinent pour la Bayadère.
    Joseph battit des mains.
    —  Tu vois, tu peux embarquer demain.
    —  Quel chemin avez-vous emprunté pour parvenir à la Bayadère ?
    —  C’est très simple, sire, il faut remonter la Seudre, accoster à un moulin où nous attend un homme sûr et des chevaux.
    —  Remonter la Seudre   ?
    —  Sire, il n’y a pas de bateaux anglais sur la rivière.
    —  Et ces chevaux   ?
    —  Ils vous conduiront de La Tremblade à Royan.
    —  Pourquoi cette étape, pourquoi ce détour   ?
    —  Ce n’est pas un détour, c’est pour gagner du temps et éviter le pertuis de Maumusson où la navigation est très dangereuse.
    —  Mais cette province est infestée de royalistes. Le voyage peut être très dangereux pour notre sécurité. Vous me l’avez dit vous-même...
    Joseph levait les bras au ciel   :
    —  Danger, tu n’as plus que ce mot à la bouche. Un mot que tu as méprisé et maîtrisé toute ta vie.
    —  Alors, que dois-je dire au capitaine   ? dit

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