La Prophétie des papes
étaient alignées sur environ quatre-vingts kilomètres, sous un plafond bas en béton. Le prêtre lui expliqua que le personnel lâappelait la galerie des étagères métalliques.
Tremblay regarda le numéro inscrit sur la fiche et dit :
« Câest une bonne chose que les religieuses portent des chaussures confortables. »
Ils marchèrent pendant plusieurs minutes dans lâallée apparemment interminable bordée dâétagères. Elisabetta ressentit une étrange impression. Il lui sembla se retrouver dans des catacombes modernes. Autrefois, on révérait les ossements, aujourdâhui, câétait le papier.
« Beaucoup de ces dossiers, dit Tremblay, sont plus âsecretsâ que les documents gardés dans la tour aux Vents. Officiellement, il y a une règle qui exige que la plupart des documents et lettres du Vatican soient gardés pendant une durée de cent ans, pour éviter quâils ne soient dévoilés au public alors que certaines des personnes concernées pourraient encore être en vie. Dâun point de vue strictement pratique, tout ce qui est postérieur à 1939 est interdit dâaccès.
â Mais pas pour vous, dit Elisabetta.
â Je nâai aucune restriction. » Il vérifia la numérotation sur les meubles. « Je crois que nous approchons. »
Ils finirent par sâarrêter au milieu dâune rangée. Tremblay se servit de son doigt pour repérer les numéros sur chacune des boîtes à archives jaune pâle.
« Celle-ci, dit-il. Parfois, ça sert dâêtre grand. » Il tendit le bras au-dessus de sa tête et tira une boîte. « La salle de lecture est loin. Cela vous ennuie que nous regardions ici ? »
La boîte était presque vide. Elle ne contenait quâune douzaine de papiers volants. Tremblay les enleva, posa la boîte à ses pieds et tint les feuilles pour quâils puissent voir tous les deux.
La première était une lettre tapée sur papier à en-tête de lâuniversité et datée du 12 juin 1982.
La signature de la mère dâElisabetta était franche et assurée, écrite avec un stylo à encre dont la plume avait une pointe fine. Elle fit monter les larmes aux yeux dâElisabetta, mais la jeune femme renifla un grand coup et étouffa ses sanglots.
« Câest la lettre par laquelle elle demande la permission dâutiliser les archives, lut Elisabetta rapidement. Elle détaille le sujet de son livre, lâexcommunication de la reine Ãlisabeth par le pape Pie V. »
Tremblay rangea la lettre au bas de la pile.
Suivirent deux autres lettres similaires, où elle demandait à être admise à nouveau pour poursuivre ses recherches. Lâune des lettres résumait les documents quâelle avait déjà vus : Regnans in Excelsis , la bulle papale de 1570 par laquelle Ãlisabeth, reine dâAngleterre, était excommuniée pour hérésie ; une lettre de Matthew Parker, archevêque de Canterbury au pape Pie V (1571) ; une lettre dâEdmund Grindal, archevêque de Canterbury au pape Grégoire XIII (1580) ; une bulle papale de 1580, un éclaircissement du pape Grégoire XIII de la bulle Regnans in Excelsis  ; une lettre du nonce du pape en France adressée au pape Clément VIII pour lâinformer de la mort dâÃlisabeth (1603).
Tremblay regarda si Elisabetta avait fini, puis passa à la page suivante.
Câétait la lettre dâaccompagnement datée de 1984 par laquelle Flavia faisait don de son livre sur lâexcommunication dâÃlisabeth à la bibliothèque du Vatican.
Ensuite une autre lettre, datée du 22 avril 1985 au chef archiviste, demandant la permission dâeffectuer des recherches pour son second livre. Flavia écrivait :
« Au cours des travaux préliminaires pour mon livre sur la reine Ãlisabeth, je suis tombée sur une intéressante correspondance entre le mathématicien et astrologue John Dee et Ottaviano Mascherino, lâarchitecte qui a construit la tour aux Vents. Je voudrais pouvoir accéder aux archives pour rechercher dâautres lettres échangées par les deux hommes, pour élaborer mon hypothèse selon laquelle, au plus fort du schisme entre Rome et lâAngleterre, il y avait néanmoins des
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