La Prophétie des papes

avertissement. Zazo, je suis très fâchée contre toi. Tu ne pouvais pas lâcher l’affaire, non ?
    âˆ’ Non, je ne pouvais pas.
    âˆ’ Moi non plus », avoua Elisabetta en traversant lorsque le feu passa au vert.
    Zazo courut pour être à sa hauteur.
    Â«Â Qu’est-ce que tu as fait ?
    âˆ’ J’ai appelé l’université d’Ulm et trouvé un ancien collègue de Bruno Ottinger. Il s’avère qu’Ottinger était un vieux bonhomme méchant, un partisan de l’extrême droite.
    âˆ’ C’est tout ?
    âˆ’ Rien d’autre de très remarquable. Il n’avait pas beaucoup d’amis. L’initiale K ne signifiait rien pour le collègue en question. Et Christopher Marlowe non plus.
    âˆ’ Est-ce que papa travaille toujours sur les nombres ? »
    Elisabetta hocha la tête.
    Â«Â Espérons qu’il aura plus de chance qu’avec Goldbach, dit Zazo un peu dédaigneux.
    âˆ’ Ne sois pas méchant. »
    Soudain, il ajouta :
    Â«Â Tu vas vraiment me manquer. »
    Elle lui adressa un petit sourire crispé, essayant de ne pas perdre contenance.
    Â«Â Tu vas me manquer à moi aussi. Et papa. Et Micaela. Et mon école.
    âˆ’ Alors ne pars pas.
    âˆ’ Ce n’est pas mon choix.
    âˆ’ C’est le choix de qui ? Ce n’était pas celui de Dieu, tu sais.
    âˆ’ Je ne sais pas qui a pris la décision, mais bien sûr que c’est le choix de Dieu.
    âˆ’ Quelqu’un veut se débarrasser de toi, c’est évident, Elisabetta. D’abord, quelqu’un passe un coup de fil depuis ton bureau aux journaux, un appel grâce auquel tu es renvoyée. Ensuite, tu es transférée le lendemain du jour où quelqu’un essaie de te tuer. Ce n’est pas la main de Dieu. C’est la main de l’homme. »
    Le dôme de l’église apparut.
    Â«Â Peut-être que nous découvrirons la vérité sur cette affaire un jour, peut-être que non. Ce qui est important pour moi, c’est que je reprenne le cours de ma vie. Si c’est en Afrique, qu’il en soit ainsi.
    âˆ’ Tu sais, dit Zazo d’un air narquois, tu ne vas pas manquer seulement aux gens que tu as cités.
    âˆ’ À qui d’autre ?
    âˆ’ À Lorenzo. »
    Elle s’arrêta et le regarda fixement.
    Â«Â Il n’a rien dit, bien entendu, dit Zazo, mais je le sens.
    âˆ’ Mais je suis religieuse !
    âˆ’ Peut-être, mais parfois, les femmes quittent le clergé. Je ne peux pas dire qu’il y pense, mais je vois bien qu’il y a quelque chose dans ses yeux. C’est mon meilleur ami. » Zazo baissa la voix. « Après Marco.
    âˆ’ Oh, Zazo…
    âˆ’ Laisse-moi te dire autre chose », dit son frère en touchant sa manche noire.
    Une vieille dame s’arrêta pour contempler la scène – une religieuse et un jeune homme en conversation intime dans la rue. Elisabetta lui adressa un sourire poli et Zazo et elle se remirent à marcher.
    Â«Â Je sais pourquoi tu es devenue nonne.
    âˆ’ Ah bon ? Pourquoi ?
    âˆ’ Parce que Marco était parfait pour toi. Après lui, personne ne serait jamais aussi bien. »
    Elle fit un geste vers le ciel.
    Â«Â Et c’est à cause de cela que j’ai épousé le Christ ? C’est ça que tu vas dire ? Tu ne crois pas que c’est terriblement simpliste ?
    âˆ’ Je ne suis pas un type compliqué, dit-il.
    âˆ’ Tu es mon frère, Zazo, mais tu es aussi un idiot. »
    Ils étaient arrivés sur la place Sainte-Marie-du-Trastevere. Il haussa les épaules et désigna l’église.
    Â«Â Je t’attends au café.
    âˆ’ Tu n’es pas obligé.
    âˆ’ Si je ne peux pas protéger le prochain pape, je veux te protéger, toi. »
    Un monospace Vito Mercedes avança lentement sur la piazza, venant de la rue qu’ils avaient remontée. C’était une zone piétonne. Avant que Zazo ne puisse faire signe au conducteur qu’il était en infraction, le véhicule passa la marche arrière et disparut. Quelques instants plus tard, un homme avec une barbe rousse sortit du monospace dans une rue adjacente, retourna à pied sur la place et s’assit sur la margelle de la fontaine pour fumer une cigarette. Il était à mi-chemin entre le café et l’église, et il