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La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
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pas prendre ce risque. Tertio , je ne me marierai pas avec lui, Joseph, je tenais à vous en informer solennellement. Je suis la femme d’unseul homme et je n’imagine pas une seconde remplacer Charles par cet Américain. Je vois à votre tête que cette décision heurte vos sentiments chrétiens. Tant pis, que voulez-vous, nous vivrons dans le péché, ce qui n’est d’ailleurs pas désagréable. Puisque Dieu m’a retiré mon époux, qu’il me laisse au moins libre de vivre comme je l’entends avec celui qu’il a mis sur mon chemin. Même mariée, j’ai toujours été une femme indépendante, vous le savez, et ce n’est pas aujourd’hui que je vais renoncer à ma liberté.
    — Vos paroles me rassurent, Olympe, dit Joseph, visiblement soulagé. Je ne vous cache pas que je m’inquiétais pour vous et pour la société. Vous êtes une femme de tête et l’esprit de Charles continue de vous habiter. Par curiosité, M. O’Neill compte-t-il s’installer chez vous, au Trianon ?
    — Ni lui ni moi ne le savons encore. Il a déjà transféré le siège de sa compagnie de transport maritime dans la concession internationale et a chargé une agence de lui trouver une maison dans la concession française.
    — Pour être plus proche de vous, je suppose.
    — On peut le supposer, effectivement, mais c’est aussi parce qu’il aime l’atmosphère plus tranquille de nos rues. Cela signifie que nous ne vivrons pas nécessairement sous le même toit. Chacun chez soi, en tout cas pour le moment et jusqu’à ce que Louis et Laure soient suffisamment grands pour prendre leur envol.
    — Finalement, comment ont-ils pris la situation ?
    — Marc a dû vous raconter que ce ne fut pas facile, surtout avec Louis. Mais je crois qu’ils acceptent que leur mère ait le droit de vivre à nouveau comme une femme après toutes ces années de deuil. Et vous, Joseph, l’acceptez-vous ?
    — Je m’en réjouis, Olympe, et Marie-Thérèseégalement. Si nous voulons que la Compagnie du Yangzi continue de prospérer, il est préférable pour nous que vous soyez heureuse.
    — Quelles que soient les circonstances, vous conservez toujours le même sens de l’intérêt général, n’est-ce pas, Joseph ? ironise-t-elle. Et tant pis si votre sacro-sainte Église n’y trouve pas son compte du moment que vous, vous y trouvez le vôtre, hein ?
    — Je ne peux rien vous cacher et Dieu m’a fait ainsi, conclut le Chinois avec un fatalisme feint.
    Ils en rient tous les deux jusqu’à ce qu’Olympe jette un coup d’œil à sa montre, pousse un cri, se lève brusquement et aille déposer un léger baiser sur la joue agréablement fraîche de son associé.
    — Je dois filer, je suis en retard, s’excuse-t-elle. Dites à Marie-Thérèse que je l’attends demain, comme tous les mardis, à l’orphelinat, ajoute-t-elle en se dirigeant vers la porte.
    — Un rendez-vous ?
    — Exactement.
    — Galant, j’espère.
    — Merveilleusement galant, oui.
    Et elle disparaît dans l’ombre du couloir. Joseph sourit en l’entendant s’éloigner. Ce n’est plus une veuve dont les talons claquent sur le parquet d’acajou, c’est une jeune fille qui court à son premier rendez-vous. Aussi légère que la belle Lin Daiyu, l’héroïne du Hong lou meng , Le Rêve dans le pavillon rouge , se précipitant à la rencontre de son amoureux de cousin.
     

 
     
     
     
     
     
     
    13.
     
     
     
    Le Star of California appareille dans quelques heures et Patrick a invité Olympe à les passer à bord. À l’aube, il partira pour sa dernière traversée du Pacifique jusqu’à San Francisco où il réglera les ultimes problèmes du transfert de sa société à Shanghai. Dernière nuit avec lui dans sa cabine. Olympe se sent bien dans cet espace clos, tout lambrissé d’acajou verni et dont les hublots enchâssés dans d’épais cercles de laiton donnent sur les lumières du Bund. Accrochées aux parois, des marines où chacun des bâtiments de la compagnie de O’Neill est peint sur des mers déchaînées, étraves de clippers fendant des déferlantes toutes voiles dehors ou de steamers bravant les tempêtes dans des panaches de fumée noire.
    Sur sa table aux bords arrondis, l’épais volume du journal de bord, la carte des approches de Shanghai, des crayons, un compas, une règle, une grosse rose des vents. Une lampe basse diffuse une lumière de miel et peint sur leur peau des ombres sinueuses. Le Star est le dernier né de la compagnie

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