Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
Vom Netzwerk:
fait un pas en arrière pour les laisser face à face. Dans son visage amaigri, les yeux de la Chinoise sont deux puits noirs. Ceux d’Olympe, fixes, n’ont plus aucun éclat. Entre ces deux regards qui se croisent et se cherchent, tout se dit et tout s’avoue en un instant. C’est un mystère qu’Olympe contemple, celui de l’autre femme aimée par Charles – et elle ne saura jamais pourquoi. Aujourd’hui réduite à un corps décharné qu’elle entrevoit sous la courtepointe du lit, Lian ne laisse plus deviner en quoi elle était si séduisante. Debout à son chevet, Olympe n’éprouve ni haine, ni colère, ni dépit. Juste une sorte de frustration de ne pouvoir se mesurer d’égale à égale avec celle qui fut sa rivale inconnue.
    — Je vous remercie d’être venue jusqu’à moi, madame, murmure Lian.
    Sa voix est si faible qu’Olympe doit se pencher pour l’entendre.
    — Je vais bientôt mourir mais avant je voulais voir de mes yeux la femme qui m’a remplacée dans le cœur de Charles, ajoute la Chinoise.
    Alors qu’Olympe veut parler, elle lui fait signe d’un geste de ne pas l’interrompre, reprend son souffle avec difficulté, déglutit péniblement et poursuit :
    — Je vous vois et je comprends maintenant. Vous êtes très belle. Mais je tenais surtout à vous dire deux choses avant de quitter ce monde : Charles vous aimait vraiment,il me l’a fait comprendre quand il a cessé de venir me voir.
    Bouleversée par cet aveu, Olympe fond en larmes et, avant de pouvoir retenir son geste, prend dans sa main celle, sans forces, de Lian.
    — Je souhaitais également vous dire que Charles était très fier de notre petit Chang. Nous sommes mères toutes les deux, je devine ce que vous ressentez. Je vous demande de respecter mon fils et de ne pas lui en vouloir. Bientôt, je ne serai plus là et je partirai plus tranquille si je sais que vous ne vous vengerez pas de moi sur lui. Maître Liu me l’a promis mais je voulais l’entendre de votre voix.
    — Je vous jure que, jamais, je ne m’en prendrai à votre fils, dit Olympe. Et si, un jour, il a besoin de mon aide ou s’il veut que je lui parle de son père, je ferai cela pour lui. En souvenir de vous.
    — J’ai sincèrement aimé votre mari, autrefois. Vous ne devez pas m’en vouloir. Nous avons chéri le même homme. C’est ce qui nous lie à jamais. Ne l’oubliez pas.
    Les yeux de Lian se ferment soudain, tout son visage se crispe, elle gémit de douleur en se tenant le ventre à deux mains. Désemparée, Olympe ne sait pas quoi faire. Elle voudrait pouvoir la soulager, mais elle ne peut que poser sa main sur son front dans un geste dérisoire. Au même moment, une vieille servante entre, l’écarte sans ménagement et Joseph lui-même la tire en arrière pour laisser la servante s’occuper de Lian. Elle l’a rarement vu aussi bouleversé et comprend quelle place la Chinoise occupe dans sa vie depuis si longtemps.
    — Partez, maintenant, madame, demande Lian d’une voix qui n’est qu’un souffle. Je vous ai tout dit.
    Olympe hésite quelques instants. Elle sent qu’elle doit prononcer une parole apaisante, quelques mots seulement, alors qu’elle aurait tant à dire et à demander.
    —Je n’ai pas de colère contre vous, parvient-elle à dire. Vous pouvez partir en paix, madame Zhu, je ne vous oublierai pas.
     
    C’est seulement après avoir franchi la Porte du Nord pour revenir dans la concession française qu’Olympe réussit à parler à nouveau.
    — C’est elle qu’il était allé voir avant de mourir, n’est-ce pas ? demande-t-elle à Joseph.
    — Oui, répond le comprador.
    — Il la fréquentait donc toujours ?
    — Non. En réalité, il la voyait de moins en moins depuis qu’elle avait donné naissance à Chang. Et il a cessé complètement de lui rendre visite après l’attaque des pirates. Le petit avait trois ans et il m’a alors demandé de m’occuper de lui et de sa mère. Ce que j’ai fait scrupuleusement jusqu’à ce jour.
    — Avec l’argent de la Compagnie du Yangzi ?
    Joseph la regarde, outré.
    — Bien sûr que non ! Avec le mien. Cela ne regardait et ne regarde toujours que moi.
    — Vous leur donnez toujours de l’argent ?
    — Oui.
    — Eh bien, je vous demande de m’y associer désormais. Après tout, cette histoire me concerne aussi. À compter de ce jour, vous paierez ce qui doit être payé, y compris les études de Chang, sur les fonds que nous réservons aux bonnes

Weitere Kostenlose Bücher