La Religion
permission ? »
La Valette inclina la tête et tous les grands se rassemblèrent autour, tandis que Tannhauser faisait courir son index le long de la ligne de l’enceinte principale. « Des blocs de grès, non ? Un revêtement de pierre de taille empli de gravier. »
La Valette acquiesça.
« Les Ottomans utilisent un système scientifique, continua Tannhauser. Boulets de fer pour traverser le revêtement, marbre et pierre en rotation pour défaire le gravier. Ces murs sont immenses, mais ils tomberont. Quand les mamelouks arriveront, ces bastions (il les désigna) seront minés, malgré la douve. Les ingénieurs de Mustapha lui creuseraient un tunnel pour rentrer en Égypte s’il le leur demandait.
– Nous ne nous attendions pas à moins, dit La Valette.
– Si Saint-Elme peut vraiment vous faire gagner autant de temps, vous devez l’utiliser pour construire. Vous avez mille esclaves qui pourrissent sous terre. Ici, au poste de Castille, un second mur… »
Les têtes se penchèrent pour suivre son index qui dessinait une ligne sur la carte.
« Un second mur, invisible des hauteurs avec des embrasures pour les canons, ici, et ici, pour leur briser le cœur quand ils franchiront la première enceinte en hurlant.
– Pourquoi Castille ? demanda La Valette.
– La fierté, répondit Tannhauser. Mustapha est ulcéré par le revers d’hier. Il est enragé. Et la rage turque est d’une qualité que je n’ai jamais vue dans l’âme franque. De plus, s’il attaque Castille, il peut protéger son flanc droit avec des batteries sur San Salvatore. Plus encore, la plaine est plus étroite à cet endroit pour ses ingénieurs et sapeurs. » Il indiqua la forteresse Saint-Michel. « S’il attaque L’Isola en même temps – ce que je ferais à sa place –, votre garnison sera obligée de s’étirer d’une extrémité à l’autre de l’enceinte. Et si l’une ou l’autre cède, tout sera terminé, sauf les hurlements. »
La Valette jeta un coup d’œil à Oliver Starkey, comme pour lui dire que les bienfaits du recrutement de Tannhauser dépassaient toutes ses attentes. Puis il tourna ses yeux gris mer vers Tannhauser. C’étaient les yeux les plus froids qu’il ait jamais vus et il les avait tous vus. Même ceux de Ludovico Ludovici étaient plus humains ; ils avaient au moins connu l’amour. Tannhauser eut la désagréable impression que La Valette avait une opinion identique de lui. Il cligna des yeux et se pencha à nouveau sur le plan.
« Ces rues – ici, ici et là – encore des murs. Un entonnoir. Démolissez ces bâtiments pour en faire un champ de tir, et, quand ils passeront, brisez-les à nouveau.
– La bataille vient à peine de commencer, dit Le Mas, et vous voyez déjà les infidèles au milieu de nous.
– Dans l’esprit de Mustapha, c’est une certitude, dit Tannhauser.
– Le capitaine Tannhauser a raison, affirma La Valette. L’ouvrage aidera le peuple à comprendre ce qui existe en magasin et ce qui est exigé. »
Zanoguerra, le maigre Castillan, prit la parole. « Capitaine, nos simples soldats parlent des janissaires comme s’ils étaient des démons. Que pouvez-vous nous dire pour dissiper leurs superstitions ?
– Superstitions ? s’emporta Tannhauser. Les janissaires sont des hommes de Dieu, tout comme vous, et homme pour homme les égaux de chacun de vous. » Il ignora leurs grognements, car ils comprendraient bien assez tôt. « Mais, question armures, ils sont faiblement protégés et Mustapha va gaspiller leurs vies. Là se situe sa faiblesse. C’est un Isfendiyaroglu, un descendant par le sang de Ben Welid, le porte-étendard du prophète Mahomet. Il est sans peur. Il est craint. Il est maître en tous les arts de la guerre, et des sièges surtout. Mais il est rigoureux. Il est vain. Il est fier. Brisez sa fierté. Ménagez vos hommes. » Il jeta un regard à La Valette. Cela n’était pas fait pour critiquer le grand maître, mais s’il ne pouvait pas s’exprimer à cœur ouvert, il ne leur était d’aucune utilité. « La sortie d’hier à la porte Provençale était un gâchis, un…
– Nous en avons massacré dix pour un des nôtres, le coupa Zanoguerra.
– Vous ne pouvez pas vous permettre ce un pour dix, le contra Tannhauser. Mustapha peut. La bravade scellera votre perte. Laissez les janissaires faire les grands gestes de bravoure. Car même s’ils sont hommes entre les hommes,
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