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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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près des coussins de Tannhauser et lisait des passages du Coran d’une voix qui faisait ressortir du texte une beauté si flagrante que la question de ses origines divines ne se posait même plus. Durant ces visites, Tannhauser feignait une incapacité à parler, car la tendresse d’Abbas était si simple et sans tache que cela lui brisait presque le cœur. Dans des conditions de débilité telles, ses sentiments se désentravaient, sa mélancolie le rendait nauséeux, et ce qu’il éprouvait pour Abbas était insupportablement complexe, et obsédant. Ami et ravisseur, sauveur et maître, père et frère et ennemi. Tannhauser était allongé là, en pleine duperie, voire en pleine trahison. Donc il ne parlait absolument pas et se laissait baigner dans l’amour cicatrisant qu’Abbas lui dispensait.
    Il était allongé sous la grande voûte de soie et, entre des bribes de sommeil dans lequel régnait l’horreur et qui ne suivaient ni rythme ni dessein, il regardait la lumière changer quand elle enjôlait le tissu superbement tissé de plus de nuances de rose que les peintres de la cour de Soliman ne pouvaient même en connaître. C’était une couleur pour laquelle Tannhauser n’avait jamais eu aucun attrait et il aurait pu penser qu’il en serait malade ; et pourtant non. Au contraire. Il tomba de plus en plus profondément sous son charme. Cette couleur, forgée comme elle l’était de soie, de fibre et de trame, de clair, d’obscur et du génie de l’art de la teinture, évoquait un morceau de musique, ou une femme, ou un panorama sur de la neige de haute altitude, ou toute autre création cosmique qui semblait n’être qu’une seule chose, mais dont l’étude répétée prouvait qu’elle en était plusieurs. Et chaque fois différente de la précédente. Nombreuses étaient aussi les heures de la nuit qu’il passait à regarder ce rose dans la lueur jaune des lampes. Et quand les traînées couleur grenade du crépuscule laissaient place à ce qui semblait une noirceur complète, ces ténèbres aussi possédaient quelque chose de plus, relevées qu’elles étaient par le scintillement des feux de camp et des étoiles, et par la croissance et la décroissance de la lune. Le rose était la vie. Et cela lui rappela ce que Petrus Grubenius disait ; que chaque chose existante avait une influence sur toutes les autres choses, peu importe leur éloignement. Car si, comme il est clair pour tout homme, deux événements en conjonction proche altèrent chacun la nature de l’autre, alors chaque chose doit se changer en une troisième, et une quatrième, car rien n’est entièrement déconnecté, même si on peut parfois le souhaiter. Et c’est pourquoi les étoiles, plus lointaines que tout autre corps connu, exercent ainsi une influence sur chaque destinée humaine, fait qu’aucun homme intelligent n’irait discuter.
    Quel profit ou signification pouvait être glané de cette étude en rose, Tannhauser était incapable de le savoir. C’était une matière qui procédait selon son propre accord. Et il trouvait que quelque chose de similaire, mais de plus énigmatique encore, évoluait dans son estime pour l’Éthiopien silencieux qui, plus que quiconque, personnifiait la force qui restaurait sa santé et sauvait sa vie.
    Personne n’avait dit à Tannhauser que son infirmier était éthiopien, et certainement pas l’homme lui-même, mais il n’avait pas le moindre doute en son jugement sur cette question. Aucune race n’était aussi reconnaissable, ossature longue et doigts longilignes, muscles comme du bois-de-fer, élancée comme du roseau. Il en avait vu sur les quais d’Alexandrie et de Beyrouth, et peu d’esclaves atteignaient un tel prix, sans doute parce qu’ils étaient extrêmement fiers, et peu enclins à se
    soumettre aux chasseurs d’esclaves arabes sans combattre. Les adultes mâles étaient rarement pris vivants ; cet homme avait probablement été enlevé quand il était enfant. L’Éthiopie était le pays de la reine de Saba, du prêcheur Jean et des tribus perdues d’Israël, et l’on disait que l’arche d’alliance elle-même était cachée là-bas, gardée par des guerriers armés d’épées de six pieds de long, dans une vaste cathédrale rouge creusée dans les flancs d’une montagne. Ils croyaient en un Jésus noir, et pourquoi pas ? Et il avait entendu que pour prouver leur bravoure ils chassaient les lions dans la savane rouge, seuls et

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