La Révolution et la Guerre d’Espagne
toute résistance. Il n’y a
plus de syndicats, ni de partis ouvriers ou républicains ; les autres
partis ne manifestent plus d’activité sérieuse. D’ailleurs une décision du 25
septembre 36 interdit toute activité politique et syndicale. S’il existe une
résistance ouvrière et paysanne, en Andalousie et en Estrémadure surtout, elle
est décapitée depuis les premières victoires nationalistes et la répression
violente qui les a suivies. Elle ne se manifeste guère que par des actes de sabotage
en usine et des guérillas qui gênent les nationalistes, mais ne troublent pas
profondément leur sécurité.
Mais la dictature militaire ne parvient pas à cacher la
disparité des forces qui ont participé au Movimiento et le manque de
personnel politique qualifié. En dehors des forces régulières, on retrouve,
comme en zone républicaine, dans les premiers jours de l’insurrection, une
diversité dans les « uniformes », qui symbolise les divergences
politiques. Un reportage du Temps, daté du 8 octobre, et visiblement
favorable aux rebelles, souligne la joyeuse pagaille qui règne dans la zone de
Pampelune et de Vitoria ; les vêtements dont s’affublent les Flechas, garçonnets
de la jeunesse phalangiste, et les Pelayos, les jeunes carlistes,
jettent la note la plus étrange, le pantalon noir, la chemise bleue et le
bonnet de police des premiers s’opposant à la tenue kaki et au béret rouge des
seconds. Telle ou telle fraction domine dans un secteur déterminé. Ainsi les
« albiñanistes » [408] sont essentiellement recrutés dans la région de Burgos ; les phalangistes
sont nombreux à Salamanque, « la ville bleue », et à
Valladolid ; les requetes, qui représentent l’élément le plus
pittoresque, dominent évidemment en Navarre, où la boina rouge le béret
des carlistes est le signe de ralliement.
Ainsi les déclarations d’apolitisme des premiers temps ne
sont-elles que de principe. Elles soulignent le caractère transitoire de cette
période, laissant subsister l’incertitude concernant l’avenir ; la
dictature militaire est-elle un expédient ou se maintiendra-t-elle ? Des
forces politiques prédominantes, dont les buts ne sont pas toujours semblables,
des monarchistes traditionalistes ou des phalangistes, lesquels doivent l’emporter ?
Au départ, la question a été volontairement éludée. Dans les premiers temps de
l’insurrection, on a vu flotter les drapeaux de la République à côté des
drapeaux monarchistes. Finalement les couleurs de la Royauté ont été rétablies,
mais sans que cela laisse présumer du régime définitif de l’Espagne.
Les hommes du nouveau régime
Comme il faut tout de même au pays insurgé un organisme
central, une Junte provisoire a été mise en place. Son chef officiel est le
vieux général Cabanellas, à la barbe noble et aux moyens limités, désigné, sans
doute, pour éviter un choix difficile entre les dirigeants de l’insurrection,
après la mort de Sanjurjo. Mais le pouvoir réel est vite pris par le triumvirat
Queipo de Llano-Mola-Franco. Lorsqu’il se révélera nécessaire d’établir, en
même temps que l’unité de commandement militaire, une autorité politique
absolue, c’est au général Franco qu’elle sera confiée.
Des hommes qui auraient pu rivaliser avec lui, la plupart
sont morts. Sanjurjo, qui était le véritable chef de l’insurrection a disparu
au début de l’insurrection. Parmi les autres chefs militaires, seuls Queipo et
Mola ont une autorité comparable à celle de Franco.
Queipo, le dictateur du Sud, n’a pas cependant l’envergure d’un
chef politique. Il manque du sens des nuances et de prudence dans ses opinions.
Avant la guerre civile, il s’est compromis par son attitude de chef
« républicain » et « franc-maçon » et le gouvernement
républicain a pu songer à lui confier la répression du mouvement
insurrectionnel. Plus tard, surnommé le « général social » parce qu’il
fait bâtir pendant la guerre des cités ouvrières, il se fait une popularité d’assez
mauvais aloi par ses rodomontades radiophoniques et ses excès de langage. Mais
son succès inattendu pendant les premières semaines du soulèvement et le rôle
décisif qu’a joué Séville dans la suite des opérations en ont fait un des
dirigeants du Movimiento. Par la suite, son rôle politique ne cessera de
décroître, et, après la prise de Malaga, succès plus italien qu’espagnol, il
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