La Révolution et la Guerre d’Espagne
l’évacuation
de ceux qui désirent échapper à la domination franquiste. Le Devonshire embarquera
300 hommes, 100 femmes et 50 enfants.
Tout a pourtant failli échouer au dernier moment, par suite
d’un bombardement nationaliste qui a eu lieu le 9 février, après les accords de
Port-Mahon. On a cru à une trahison de la part des nationalistes. La base
franquiste de Palma qualifia d’« erreur » ce bombardement. On peut en
douter : la base de Palma, malgré son commandement espagnol, est contrôlée
par les Italiens, hostiles à tout accord réalisé sous l’égide de la
Grande-Bretagne. Certes, la radio anglaise nie que le gouvernement britannique
ait participé à un accord et déclare que le commandant du Devonshire a
agi de son propre chef ; de son côté, Jordana affirme à l’ambassadeur d’Allemagne
qu’il n’y a eu aucun accord anglo-espagnol sur Minorque. Mais ce sont là des
affirmations diplomatiques. L’Angleterre ne se vante évidemment pas d’une
intervention qui peut être considérée comme une ingérence dans les affaires
espagnoles ; et les franquistes tiennent trop à l’alliance italo-allemande
pour mécontenter ouvertement les gouvernements de ces pays.
Mais les accords de Minorque sont significatifs : après
la chute de la Catalogne, il faut bien envisager de finir la guerre.
Le gouvernement Negrín devant le problème de la paix
Au milieu du désastre se pose ce problème essentiel, qui est
un problème politique. Le 1 er février, les Cortes, ou ce qu’il en
reste, se sont réunies à Figueras. Negrín a nettement envisagé devant elles la
possibilité du rétablissement de la paix. Mais avec une armée vaincue, un État
en décomposition, il n’est plus question d’une négociation entre parties
égales. Malgré leur modération, les treize points dont Negrín a fait en 38 son
programme minimum sont maintenant dépassés. Negrín n’envisage plus que trois
points comme conditions de paix : la garantie de l’indépendance et de l’intégrité
nationale ; la garantie de la liberté pour le peuple espagnol de choisir
son destin ; la garantie qu’une politique d’autorité mettra fin, après la
guerre, aux persécutions.
Encore est-il évident qu’il sera difficile, dans une
négociation, d’obtenir satisfaction sur le deuxième point. Et Negrín semble ne
pas vouloir se borner au seul énoncé de ces conditions. Pour la première fois,
la médiation anglaise est officiellement envisagée par le gouvernement
républicain. Del Vayo rapporte qu’une entrevue a eu heu à Agullana entre le
chargé d’affaires britannique Stevenson, l’ambassadeur français Jules Henry,
Negrín et lui-même. Au cours de cette entrevue, Negrín aurait expliqué ce que
signifiaient pour lui les trois garanties. La première concernait « l’évacuation
du territoire espagnol de tons les éléments étrangers » ; la deuxième
signifiait que « le peuple espagnol déterminerait librement son régime
politique, et sans aucune pression étrangère ». Del Vayo expose que Franco
n’acceptera probablement pas ces deux propositions ; Negrín admet qu’on
pourrait les abandonner dans le cours de la négociation : même si l’on
obtenait une approbation de principe du gouvernement de Burgos, elle aurait peu
de chances d’être respectée par la suite. Il ne reste plus alors que la
troisième condition, que Del Vayo exprime à l’aide de cette formule
concise : « Pas de représailles ». II était difficile d’être
plus conciliant.
Rojo semble confirmer ce que dit Del Vayo lorsqu’il parle de
terminer la guerre de la manière la plus digne et en sauvant le plus grand
nombre possible de personnes. Mais Il y a déjà un mot dans le texte de Rojo qui
souligne le désaccord naissant entre l’armée et le président du Conseil ;
le général parle en effet d’une formule politique à trouver. On peut considérer
qu’il acceptera en somme de préparer la capitulation en éliminant ceux qui
constituent un obstacle à la paix. Negrín, lui, entend pratiquer une
négociation de gouvernement à gouvernement, ce que n’acceptera jamais Franco.
Au cas oùla négociation ne pourrait aboutir, Negrín donne l’ordre de
résister. « Avec quoi allons-nous résister ? Pourquoi allons-nous
résister ? » demande Rojo.
Pour beaucoup de militaires en effet, la guerre est finie. Le
Temps du 9 février signale le choix fait par des officiers de la maison
militaire d’Azaña :
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