La Révolution et la Guerre d’Espagne
ne croit à notre capacité de
résistance et ceux qui y croient le moins sont nos propres généraux. » Il
démissionne le 2 mars. Son successeur « légitime », Martinez Barrio,
président des Cortes, ne donne pas non plus à Negrín la caution légale de la
présidence et refuse de retourner en Espagne.
Le retour du gouvernement en Espagne
Dès son arrivée à l’aérodrome de Los Llanos, Negrín réunit
les chefs militaires. Cette conférence peut lui faire mesurer les difficultés
de la mission qu’il s’est donnée. Après son exposé, tous les chefs militaires,
à l’exception de Miaja, déclarent la résistance désormais impossible ; il
faut négocier pour éviter le désastre. A la démoralisation de l’arrière et des
soldats, Negrín voit s’ajouter un nouvel obstacle à sa politique, le défaitisme
des chefs de l’armée, tel qu’il s’exprime depuis plusieurs semaines à travers
les initiatives politiques du chef de l’armée du Centre, le colonel Casado.
Officier républicain de longue date, ancien commandant de la
garde présidentielle, Casado est un des militaires professionnels qui
composaient l’état-major de Largo Caballero. Il passe pour un homme de gauche,
a des relations avec certains socialistes et anarchistes, mais reste Un
officier, convaincu de l’importance de sa « mission de soldat »,
persuadé qu’il est « respecté dans le camp ennemi » [505] . Il est très hostile
au parti communiste, considère que c’est « l’excès des commandements
communistes » qui a conduit les démocraties occidentales à abandonner la
République. Comme militaire, il juge la résistance impossible. Or, Franco ne
négociera pas tant que Negrín, Del Vayo et les communistes domineront la
République. Il faut donc les éliminer pour obtenir une paix honorable [506] . Casado est
convaincu que les partisans de la négociation bénéficieront de l’appui
britannique dès que l’influence communiste aura disparu. Il faut, dit-il à
Negrín, obtenir le retour d’Azaña et former un nouveau gouvernement de
républicains et de socialistes, excluant le P. C.
En fait, à cette date, il a déjà pris, depuis plusieurs
semaines, des contacts politiques en vue de renverser le gouvernement. Chez les
anarchistes, il s’est lié avec Cipriano Mera [507] ,
qui commande sous ses ordres un corps d’armée, avec Garcia Pradas, dont l’hostilité
au P. C. ne s’est jamais démentie. Certes la C. N. T. continue de soutenir
Negrín, dont Segundo Blanco se fait le porte-parole au sein du mouvement
libertaire. Mais l’hostilité de la F. A. I. l’emporte à une réunion du comité
de liaison C. N. T. -F. A. I. -Jeunesses libertaires, qui demande le 25 février
la formation « d’un nouveau gouvernement ou d’une Junte de défense ».
Chez les socialistes, l’ami de Caballero, Wenceslao Carrillo, est, lui aussi,
au courant des projets du colonel et les approuve. Il rassemble ses amis de
Madrid pour tenter d’arracher la direction du P. S. et de l’U. G. T. aux
partisans de Negrín restés près de lui en France ; après leur retour, il
multiplie les attaques contre Gonzalez Pena. Un autre socialiste vient appuyer
le mouvement casadiste : Julian Besteiro n’est ni un militant ni un homme
d’action, mais l’incarnation du socialisme républicaine classé, à l’extrême-droite
du parti socialiste, cet universitaire n’a joue aucun rôle important depuis le
début de la guerre. Il passe pour l’homme du compromis depuis qu’Azaña l’a
chargé de chercher à Londres les bases d’une médiation anglaise. C’est une
personnalité « bien vue » à Londres et à Paris.
Enfin Casado a certainement pris contact avec les diplomates
étrangers, britanniques en particulier. Dominguez dit [508] que ses contacts
étaient fréquents avec Cowan, qui aurait été le véritable instigateur du
complot, allant jusqu’à conseiller le colonel dans le choix de ses
collaborateurs. Hidalgo de Cisneros affirme de son côté à Del Vayo que le
colonel lui parla à mots couverts de promesses anglaises [509] …
Le gouvernement Negrín est au courant de la situation et des
périls qu’elle comporte. Il tente de convaincre ou d’intimider ses adversaires,
visiblement hésitants. Il y a derrière Negrín la considérable puissance du P.
C., de ses unités militaires, de sa police parallèle. Mais les anarchistes
voudraient arracher des concessions à Negrín, le convaincre de partager avec
eux
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