La Révolution et la Guerre d’Espagne
début d’une action contre elle.
Les anarchistes, pourtant, se dérobent. « Les masses écrit Solidaridad
obrera, se sentiraient frustrées si nous continuions à cohabiter dans des
institutions dont la structure est de type bourgeois. » La C.N.T., selon
Antona, ne peut renoncer à son attitude « insurrectionnelle » face à tout
« gouvernement ». Elle ne participera donc pas, promettant cependant son
soutien, et déléguant, dans chaque département ministériel, un commissaire pour
la représenter. Largo Caballero forme, sans elle, le gouvernement de Front
populaire que Prieto prône depuis des mois, et qui semble un compromis acceptable
avec sa position primitive. Toutes ses exigences d’ailleurs sont satisfaites,
dans ce cadre, quoique, selon Koltsov, il ait été « extrêmement pénible à tout
le monde de consentir à lui confier la direction du gouvernement » [172] .
Ainsi qu’il l’a exigé, Largo Caballero cumule la présidence
et les fonctions de ministre de la Guerre. Deux de ses amis de l’U.G.T.
détiennent les postes-clés, Galarza l’Intérieur, Alvarez del Vayo les Affaires
étrangères. Prieto est ministre de la Marine et de l’Air, ses amis socialistes
Juan Negrin et de Gracia sont respectivement ministres des Finances et du
Travail. Les communistes, après avoir refusé leur participation, cèdent à
Caballero qui l’exige : Uribe est à l’Agriculture, et Hernandez à l’Instruction
publique. Cinq républicains complètent le gouvernement. José Giral est ministre
sans portefeuille, preuve, déclare-t-il, « que le nouveau gouvernement est
un élargissement de l’ancien ». Le nouveau président le déclare, en tout
cas, « formé d’hommes qui ont renoncé à la défense de leurs principes et de
leurs tendances particulières pour s’unir autour d’une aspiration unique : la
défense de l’Espagne contre le fascisme ».
La participation de l’U.G.T., le soutien de la C.N.T.
doivent normalement lui donner l’autorité que n’avait pas Giral. Mais son
programme est le même, l’« union des forces qui luttent pour la légalité
républicaine », « le maintien de la république démocratique ». Destiné à
liquider la dualité de pouvoir, il la reflète : sa direction socialiste
est une concession aux ouvriers, son programme un gage de
« respectabilité » pour les puissances.
Son refus de collaborer ne semble pas, au premier abord,
devoir affaiblir la C.N.T., car les représentants des pouvoirs révolutionnaires
régionaux s’inclinent. A Valence, le 8 septembre, à un meeting organisé par l’U.G.T.,
le parti socialiste et le parti communiste, c’est Juan Lopez, dirigeant éminent
de la C.N.T., qui apporte l’adhésion et le soutien du Comité exécutif populaire
au nouveau gouvernement et à son programme.
La dissolution du comité central des milices
Le 26 septembre, à leur tour, les révolutionnaires catalans
s’inclinent. Le président Companys réussit l’opération qu’il avait tentée en
vain avec Casanovas au début août : la formation d’un gouvernement de la
Genéralité dans lequel figurent des représentants de tous les partis ouvriers
et syndicats. C’est le républicain Tarradellas qui le préside. L’Esquerra
reçoit les portefeuilles des Finances, de l’Interieur, de la Culture, les
Rabassaires de l’Agriculture, le P.S.U.C. du Travail et des Services publics.
Les dirigeants révolutionnaires ont, eux aussi, des postes importants : l’Economie
le Ravitaillement, la Santé vont à des anarchistes – de second plan, il est
vrai –, la Justice à Andrès Nin.
Commentant l’événement, quelques années plus tard, le modéré
Ossorio y Gallardo écrira : « Companys, qui avait reconnu le droit des
ouvriers à gouverner et leur avait même offert d’abandonner son poste, a
manipulé les choses avec une telle habileté qu’il est arrivé, petit à petit, à
reconstituer les organes légitimes du Pouvoir, transférer l’action aux
Conseillers, réduire les organismes ouvriers à leur rôle d’auxiliaires, d’aides,
d’exécutants... La situation normale était rétablie » [173] . De son côté,
vers la même époque, Santillan écrivait : « Après plusieurs mois de
lutte et d’incidents sans issue avec le gouvernement central, réfléchissant sur
le pour et le contre d’une indépendance dela Catalogne, intéressés,
plus que jamais, à la victoire dans cette guerre que nous avions entamée avec
tant
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