La Sibylle De La Révolution
qui
l’avait guidée jusqu’à la tente. Sa souplesse et sa rapidité ne lui avaient pas
permis d’éviter la balle qui lui avait fracassé la moitié du crâne.
Sénart secoua la tête et
rencontra le regard impénétrable de Marie-Adélaïde qui le scrutait. Il n’avait
qu’une envie : se trouver loin d’ici.
— Vous deux, rendez-vous
utiles ! lança-t-il aux porteurs d’ordres. Allez chercher la
voiture : nous rentrons à Paris !
Ils roulaient en direction de
Paris. Marie-Adélaïde, silencieuse depuis l’attaque du parc par les nationaux,
Svendenborg, apeuré, plus mort que vif, et Sénart qui se demandait bien comment
continuer l’enquête.
Ils avaient parcouru une lieue
à travers la nuit quand il se décida à parler :
— Écoute-moi bien, Svendenborg.
Je pourrais dès ce soir te faire traîner en prison et t’envoyer devant le
Tribunal révolutionnaire. Tu sais ce qu’il adviendra alors lorsque le citoyen
Fouquier-Tinville prononcera ton acte d’accusation ?
S’il vous plaît, non,
pleurnicha le faux comte. Je ferai tout ce que vous me direz. Si vous le
souhaitez, je vous montrerai comment changer du plomb en…
— Assez de ces sottises !
Je sais que tu appartiens à une loge maçonnique.
L’autre se redressa :
— Des loges maçonniques ?
Mais oui, j’en connais beaucoup, des dizaines, de toutes sortes. Si vous voulez
des renseignements, je vous les donnerai, citoyen. Tout de suite. Vous voulez
être initié, vous voulez savoir comment devenir maître, chevalier du
saint-sépulcre, vous voulez connaître le secret perdu des templiers ? vous
voulez savoir où se cache la descendance de Jésus qui est un secret que
l’Église catholique, maudite soit-elle (il cracha à trois reprises par la
fenêtre), garde jalousement depuis des siècles ? Vous voulez…
— Je veux savoir qui sont les
frères de l’ombre.
À ces mots, le Suédois changea
d’expression.
— Les frères de l’ombre, mais…
je ne les connais pas, ceux-là.
Sénart se pencha vers lui et le
prit par le col :
— Tu mens. Je sais que tu t’es
vanté de les connaître. Peut-être même que tu fais partie de leur criminelle
organisation. Parle !
— Je ne peux pas,
pleurnicha-t-il. Ce sont des fous. Des déments. Et ils possèdent un pouvoir qui
dépasse l’imagination. Oubliez qu’ils existent, ne les cherchez pas. Ce sera le
conseil que je vous donnerai et vous seriez bien avisé de le suivre.
— Ils ont donc plus de pouvoir
que le légendaire Saint-Germain ? ironisa-t-il.
— Bien plus en vérité, continua
l’homme. Saint-Germain à sa manière était un homme sage. Il ne faisait de mal à
personne. Tout au plus profitait-il des richesses des puissants, mais jamais il
ne se livra à des actes répréhensibles. Je ne l’aurais pas suivi, sinon. Sa
magie consistait à chercher l’immortalité et il y est parvenu puisque moi-même
je suis son successeur, comme lui fut le successeur d’un autre et ainsi depuis
la nuit des temps. Mais eux… Au nom de Dieu et de tous les saints… J’ai entendu
parler d’eux et j’ai voulu les connaître. Je me croyais au-dessus d’eux, fou
que j’étais ! J’étais persuadé que mes pouvoirs me mettraient à l’abri de
leur puissance, mais je ne savais pas à l’époque. Avide de richesses, pensant
que, comme les autres, je parviendrais à les tromper, je me suis présenté à
eux. J’ai subi leur maudite initiation. Non, ne m’en demandez pas plus !
Je ne puis rien dire en vérité, car s’ils apprennent quoi que ce soit à ce sujet,
et ils l’apprendront, il n’y a aucun doute là-dessus, je figurerai sur leur
liste de sang.
Le jeune homme lança un regard
interrogateur à Marie-Adélaïde qui répondit avec détachement :
— La liste de sang est une
liste de noms dont je t’ai parlé, que le membre d’une Loge Noire se voit
remettre lors de son admission. Il doit les tuer les uns après les autres.
Lorsque l’on figure sur une telle liste, la Loge Noire n’a de cesse de vous
envoyer toujours plus d’assassins pour vous éliminer. En dernier recours, elle
peut faire appel à son démon.
Sénart hocha la tête :
voilà qui devenait de plus en plus intéressant. Svendenborg était un escroc
comme on en voyait beaucoup à Paris, mais sa peur ne semblait pas feinte. Le
filou, l’affabulateur, avait rencontré plus habile que lui.
— Tu dis que tu as été initié,
mais en quoi consiste cette initiation ?
Le Suédois secoua
Weitere Kostenlose Bücher