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la tondue

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Titel: la tondue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie de Palet
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“bigots”, ils piochaient dans la glèbe caillouteuse où les pierres l’emportaient largement sur la terre arable. Leurs outils, déviés par de gros cailloux, faisaient jaillir des étincelles. Courbés vers le sol, ils travaillaient sans un mot.
    « Tiens, Yvette ! s’exclama Casimir en s’épongeant le front où perlait la sueur. Tu viens nous aider ?
    — Pourquoi pas, je m’ennuie avec mes vaches. »
    Marie lui lança un regard rapide mais ne lui adressa pas la parole, même pas le plus petit mot de bienvenue. Elle reprit son bigot et tapa rageusement le caillebotis qui hurla sous les coups nerveux de la vieille.
    Casimir, conscient de ce manque de savoir-vivre, se mit à parler vivement, à bavarder sans arrêt de tout et de rien, comme pour lui éviter de remarquer l’incorrection de sa femme.
    Yvette écoutait le vieillard sans l’entendre. Elle se demandait pourquoi Marie l’ignorait ainsi. Quoi qu’il se soit passé, la jeune fille n’y était pour rien et Marie le savait bien…
    À moins que la femme ait un sixième sens qui lui fasse soupçonner la vie parisienne d’Yvette.
    « Mes vaches ne bougent pas, interrompit-elle, Casimir, et je peux vous aider. Autant faire ça qu’autre chose. »
    Casimir sauta sur l’occasion. Il regarda le ciel qui virait au mauve et cria à sa femme :
    « Hé, Marie, il faudrait commencer à ramasser, maintenant ! »
    Yvette contempla les rangées régulières, l’une de fanes, l’autre de tubercules qui depuis le matin zébraient le champ d’un bout à l’autre. Elle saisit un sac de jute et commença à le remplir.
    Elle était vive et jeune, son travail avançait rapidement. Casimir et Marie, déjà âgés, rompus par la fatigue du jour, avaient du mal à plier le dos. Chacun se hâtait sans un mot.
    On n’entendait que le bruit sourd des cailloux qui roulaient sous les pieds ou se heurtaient, dérangés par des mains impatientes.
    Les sacs se dressaient les uns après les autres, au bout de chaque rangée. Quand ils devenaient trop lourds et impossibles à traîner, ils restaient sur place.
    Casimir, malgré son dos voûté et ses jambes grêles, les chargeait sur ses épaules et les transportait dans le char où il les rangeait. Le champ se vidait de sa récolte, les fanes seules striaient de vert la terre fraîchement remuée. Le char, où s’entassaient les sacs, attendait l’attelage pour le ramener vers le village.
    « Voilà, c’est fait ! Tu nous as bien avancés, s’exclama Casimir.
    — Pour une demoiselle de Paris, tu te défends ! lança Marie, toute trace de mauvaise humeur disparue.
    — Je te l’avais bien dit qu’elle ressemblait à la pauvre Sophie, rétorqua le vieux.
    — C’est vrai », reconnut Marie et elle se tourna vers Yvette pour l’examiner. Elle sortit une bouteille de vin coupé d’eau.
    Elle la tendit à la jeune fille :
    « Bois la première, comme ça tu n’attraperas pas nos maladies !
    — Mais vous n’êtes pas malades ! Depuis que je vous connais, vous êtes toujours les mêmes !…
    — La, la la… Pauvre de nous ! C’est pour nous faire plaisir que tu dis ça !… Voila-t-y pas que Casimir va rentrer dans ses septante-cinq ans, cet hiver et que moi, avec mes trois ans de moins, je ne vaux guère mieux !…
    — N’empêche que vous travaillez bien, tous les deux.
    — Hé, pauvre, on fait ce qu’on peut. »
    Quand chacun eut bu à son tour, Marie rangea la bouteille et les deux époux partirent atteler.
    Deux vaches paisibles et impassibles, après s’être longuement gorgées d’herbe, levèrent un regard somnolent vers le char, puis, elles détournèrent les yeux et fixèrent un point invisible dans les profondeurs de l’horizon.
    Marie les appela :
    « Allez, Fièrounne, Baissounne, venez ici. »
    Les animaux portèrent lentement leurs yeux vers le joug qu’avançait Casimir et, placidement, tendirent le cou. Marie et son époux passèrent les courroies de cuir sur le front des vaches et les fixèrent solidement : à pas mesurés, tout le monde se dirigea vers le char.
    Marie se plaça devant les vaches, les fit reculer tandis que Casimir soulevait le timon. Il le passa dans les deux anneaux de fer pendus au joug – “les redondes”, se souvint Yvette.
    Marie enfonça “l’attagadou” – la pièce de bois qui retient l’attelage – dans le trou du timon et, l’attelage ainsi constitué, s’achemina en direction du village, Casimir en tête,

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