La traque d'Eichmann
résigné. Malkin commença par teindre ses cheveux en gris, puis maquilla son visage pour le faire paraître plus vieux – en traçant de fausses rides autour de sa bouche et sur son front, puis en noircissant légèrement la zone située sous les yeux. Il colla une épaisse moustache sur sa lèvre supérieure. Pour finir, il lui fit enfiler la même tenue que les autres : chemise blanche amidonnée, pantalon bleu marine, chaussures vernies, casquette El Al ornée d’une étoile de David.
Malkin venait de terminer sa tâche quand on vit arriver Aharoni en compagnie de Yoel Goren, l’un des agents du Mossad arrivés par le vol El Al. C’est ce même Goren qui, deux ans plus tôt, avait enquêté sur la maison d’Olivos – et estimé qu’Eichmann ne pouvait certainement pas habiter un endroit si sordide. Malgré cette erreur de jugement, il avait été désigné pour prendre part à la dernière étape de la mission parce qu’il parlait couramment l’espagnol et connaissait bien Buenos Aires.
Les hommes firent descendre le prisonnier dans la cuisine. Là, il s’assit devant une table sur laquelle étaient posés un tube en verre et une aiguille. Le D r Kaplan fit son apparition dans la cuisine, ravi de servir enfin à quelque chose après dix jours de désœuvrement. Il remonta la manche droite du nazi et tamponna d’alcool un morceau de tissu. Comme il approchait le tissu du bras d’Eichmann, celui-ci eut un mouvement de recu l.
« Inutile de me piquer, dit-il ; je ne prononcerai pas un mot, je le promets dclxv .
— Ne vous inquiétez pas, répondit le médecin. Ce n’est rien, c’est seulement pour vous calmer.
— Le voyage sera long, ajouta Aharoni. Ce produit vous aidera à oublier vos angoisses. »
Kaplan saisit la seringue pour commencer l’injection.
« Non, dit Eichmann. Non ! Je ne suis pas du tout angoissé.
— S’il vous plaît, dit Malkin, nous sommes obligés de le faire. Nous avons des ordres. »
Le prisonnier capitula et tendit son bras. Le médecin inséra l’aiguille dans une veine et relia le tube à la seringue. Puis il administra la dose de sédatif. Eichmann ne tarda pas à perdre conscience, tout en marmonnant : « Non, non, pas besoin…»
« Nous pouvons y aller », dit enfin le médecin tout en lui prenant le pouls.
À 21 heures, Yaakov Gat et Rafi Eitan saisirent Eichmann sous les bras et l’emmenèrent dans le garage. Il était conscient mais presque incapable de parler. Regardant ses ravisseurs d’un air étourdi, il leur dit : « Ça ne va pas. Il faut me passer une veste. » Ils avaient volontairement omis la veste pour avoir accès à son bras, mais furent ravis de constater qu’Eichmann s’efforçait de les aider.
Gat s’installa sur la banquette arrière de la limousine et le tira jusqu’à lui. Le médecin prit également place à l’arrière, prêt à injecter au prisonnier une seconde dose de calmants si la situation l’exigeait.
« Ne vous inquiétez pas, marmonna un Eichmann plus alerte qu’il n’en avait l’air, vous pouvez compter sur moi. Je n’ai pas besoin d’une seconde piqûre. »
Aharoni démarra le moteur et Yoel Goren se glissa sur le siège avant. Malkin ouvrit pour eux la grille de l’entrée ; il restait à Tira en compagnie de Nesiahu pour le cas où les autres seraient contraints de se replier. Eitan et Tabor devaient prendre place dans une seconde voiture. Parvenue au bout de l’allée, la limousine s’enfonça dans la nuit.
Au même moment, dans un coin discret de l’Hôtel Internacional, le capitaine Wedeles rassembla les sept membres de l’équipage El Al – opérateurs radio, commissaires de bord et hôtesses – qui ignoraient encore la raison véritable du vol. Tous avaient passé les dernières vingt-quatre heures à découvrir Buenos Aires dans les meilleures conditions – promenades en ville, shopping, restaurants spécialisés dans le fameux bœuf argentin. La mine grave de Wedeles les surprit, tout comme la présence de Yosef Klein et d’Adi Peleg.
« Le vol de retour est avancé, annonça Wedeles dclxvi . On se retrouve en bas dans une heure. D’ici là, pas de shopping. Rien. À partir de maintenant, vous ne me quittez plus. Si je m’assois, il faudra vous asseoir aussi. Vous devez rester autour de moi.
— Vous allez prendre part à un événement capital, ajouta Peleg. Ne me demandez pas de quoi il s’agit. Sachez seulement que nous ramenons une personne très
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