La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
la venue du printemps. Ministres et
fonctionnaires de la cour reçoivent ce jour-là de
l’empereur des ornements de tête et de petites
banderoles à fils d’or et d’argent qu’ils suspendent à leur coiffure. Des présents du même
genre, gages d’heureuse année, sont échangés
par les particuliers 15 .
En effet, l’année n’a pas encore vraiment
débuté, et c’est seulement les 14, 15 et 16 de la
1 re lune, au moment de la fête des lampes, que
l’an neuf est célébré dans un débordement général d’allégresse et d’exaltation. Pendant cette
période de trois jours et de trois nuits qui tombe
au moment de la pleine lune, les habitants se
ruinent en achats de victuailles et d’alcools. Ils
rivalisent en matière de décoration et de lampes.
Chaque entrée de maison est ornée de broderies,
de rideaux de perles et de lampions multicolores.
Toutes les boutiques, les places, les moindres
ruelles sont illuminées. Les plus belles lampes
viennent de Suzhou. Rondes, en verre, de cinq
couleurs différentes, elles portent des peintures
représentant des paysages, des personnages, des
fleurs, des bambous, des oiseaux et des bêtes à
poils. Les plus grosses ont un diamètre qui
atteint 120 centimètres. Les lampes importées
par mer de Fuzhou, très belles elles aussi, viennent au second rang. Elles sont en jade blanc,étincelantes. Mais on en trouve bien d’autres
encore, de tout genre et de toute forme : lampes
qui tournent sous l’action d’un filet d’eau et
montrent un manège de personnages et de petits
objets, lampes à pendentifs de perles de toutes
couleurs et à la partie inférieure desquelles pend
un ornement fait de plumes bariolées, lampes en
forme de bateaux effilés à tête de dragon comme
on en voit sur le lac lors des fêtes nautiques,
lampes en forme de chaises à porteurs impériales, lampes qui tournent sous l’action de la
chaleur avec des chevaux et des cavaliers…
Certaines lampes, ornées d’or et d’argent, de
perles rares et de jade, atteignent des prix extrêmement élevés 16 . Du nord au sud, sur plus de
sept kilomètres, la ville, lorsqu’on la découvre
des hauteurs environnantes, est comme un
immense brasier.
La fête elle-même a toutes les apparences
d’une bacchanale. Des troupes de danseurs déguisés, d’acrobates, de musiciens parcourent la ville.
Elles portent chacune un nom, et on les compte
par dizaines. Elles s’en vont donner des représentations dans les maisons riches. Vingt-quatre
familles qui habitent au débouché de la ruelle
des Fonctionnaires et dans la ruelle de la Famille
Su donnent des spectacles de marionnettes : les
acteurs portent des vêtements neufs, des bonnets
ornés de perles et des fleurs dans leurs cheveux.
Leur taille et leurs membres sont fins commeceux des femmes. Dans les riches résidences,
des troupes d’enfants et d’adolescents musiciens
jouent de l’orgue à bouche et de la cithare ou
chantent des airs de styles variés. On ne peut
avancer dans les rues à cause des jeux et des
représentations en plein air. Telle boutique ou
telle demeure privée est si magnifiquement
décorée de lanternes de toutes les couleurs que
les passants s’attroupent dans la rue et bouchent
le passage. On entend partout le son de l’orgue à
bouche et des tambours. Les lampes rondes que
certains promeneurs portent au bout de très
longues piques ressemblent de loin à des étoiles
dansantes. Des fils de famille, vociférants,
accompagnés de jeunes beautés, déambulent en
tenant des lampions. Les femmes portent des
ornements de tête en forme de papillons. Elles
ont des fleurs dans les cheveux, et leurs robes
sont blanches le plus souvent, car le blanc est
une couleur qui convient pour les promenades
au clair de lune. Des garnements confectionnent
de grandes cigales en papier blanc appelées
« papillons de nuit ». Ils fabriquent aussi avec
des jujubes et des détritus de charbon des boulettes qui brûlent en faisant une vive lueur.
L’ivresse est générale. Aussi, quand l’effervescence s’est calmée et que les passants se font
plus rares, avant le lever du jour, des gens tenant
en main de petites lampes parcourent les places,
les rues et les ruelles à la recherche des objetsperdus : épingles, ornements de tête, pendentifs,
etc. Cette coutume est dénommée le « balayage
des rues 17 ».
Au palais impérial, un certain nombre de
pavillons sont illuminés le soir du 15 de la
1 re lune. On y construit un
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