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L'affaire du pourpoint

L'affaire du pourpoint

Titel: L'affaire du pourpoint Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fiona Buckley
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dispenser.
    — Madame… Je vous conjure…
    Élisabeth se détourna de moi, perdue dans ses pensées. Le silence s’appesantit. J’attendis, espérant malgré tout, jusqu’à ce qu’elle se rassît dans sa chaise ciselée et me livrât son verdict.
    — Les voyages en bateau sont périlleux, à cette époque de l’année. Je ne permettrai pas que vous risquiez votre vie à bord. Demain, vous verrez Sir William Cecil et recevrez de lui des instructions au sujet d’une tâche que lui et moi souhaitons vous confier. Vous avez reçu des leçons de messire Bone, je crois, afin de vous y préparer.
    — Oui, madame, mais d’autres que moi pourraient…
    — Il nous faut une femme, trancha Élisabeth, or vous êtes la seule sur la liste de Cecil, du moins pour un tel travail. L’espionnage n’est pas un moyen de subsistance très prisé parmi les jeunes femmes de la cour. Il plaît encore moins à leurs parents.
    Les yeux mordorés furent éclairés par une lueur rieuse, mais recouvrèrent presque aussitôt leur sérieux.
    — Je disais à l’instant que je ne permettrais pas que vous risquiez votre vie, néanmoins… Eh bien, Ursula, Cecil et moi n’aimons jamais vous voir courir des risques, toutefois la mission qui vous sera exposée demain comporte certains dangers. C’est inévitable. Nous espérons que vous l’accepterez cependant. Elle pourrait avoir de graves implications et vous serez payée en conséquence. Dans le cas où vous refuseriez…
    Je cachai dans les plis de ma robe crème et fauve mes mains crispées, les doigts entrelacés.
    — Nous vous accordons la permission de rejoindre votre mari avec votre fille, mais pas avant mai, quand les tempêtes du printemps auront passé. Jusqu’alors, vous resterez ici. Et vous irez, bien sûr, à votre rendez-vous, demain, avec les Cecil. Écoutez ce que Sir William a à vous dire. Je vous demande très sérieusement, Ursula, d’envisager de consacrer le temps qui nous sépare du mois de mai au travail qu’il vous proposera.
    J’aurais voulu crier que j’en avais fini avec cette vie-là. Je voulais retrouver Matthew. Sans attendre !
    Élisabeth me scruta, comme si elle voyait clair en moi.
    — Écoutez, Ursula. Je ne peux vous révéler grand-chose. Cecil détient tous les éléments. Je sais seulement qu’un bruit circule, une rumeur – mais qui laisse présager de graves événements, de nature à me porter atteinte, à moi et, par voie de conséquence, à l’Angleterre. Comprenez-vous ? J’ai mes conseillers, comme Cecil, et ils forment devant moi un rempart qui me protège, mais, de mon côté, je suis le rempart de l’Angleterre. En général, je suis heureuse de cet état de fait. Je suis née pour cette existence. Cependant, de temps en temps je me regarde dans le miroir, et je vois une jeune fille frêle et fragile. Alors, j’ai peur. J’ai peur, aussi, lorsqu’on me rapporte que certains ne se contentent pas de souhaiter ma destitution, mais œuvreraient pour la provoquer. L’an passé, puis ces dernières semaines, vous avez mis au jour deux terribles conspirations. La seconde, surtout, m’a ébranlée. Vous comprenez pourquoi. Je vous demande votre aide rien qu’une dernière fois. Allez, et parlez avec Cecil.
    Elle se détourna et reprit sa plume, me donnant congé.
    J’aurais voulu protester, mais, pour des raisons complexes et contradictoires, je ne le pouvais pas. D’abord, parce que cela supposait d’abandonner cette frêle et fragile jeune fille, alors qu’elle m’avouait sa peur et réclamait mon aide ; et parce que cette même jeune fille était aussi Sa Majesté la reine Élisabeth. On ne répondait pas à la reine d’Angleterre en criant : « Mais une éternité nous sépare du mois de mai, c’est maintenant que je veux être avec Matthew ! »
    Je m’attardai un moment, mais elle ne leva plus les yeux. Je dus partir, la mort dans l’âme, la plaignant en silence tout en pestant contre elle, et cherchant déjà un stratagème pour aller chercher ma fille et quitter l’Angleterre sans le consentement royal.
     
    Quand William Cecil souhaitait me parler en privé, il me convoquait parfois discrètement dans son bureau, dans la résidence où séjournait la cour. La reine se rendait sans cesse d’un palais à un autre le long du fleuve, allant et venant entre Greenwich, Whitehall, Richmond, Nonsuch, Hampton Court et Windsor. Aussi, pour éviter de constants déplacements en bateau, et souvent

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