L'affaire du pourpoint
contusions. Un côté du crâne était fracassé.
Cecil montrait des signes d’embarras. Il n’aimait guère aborder de tels sujets avec une femme.
— Peut-être a-t-il été ballotté contre le ponton. Ou peut-être pas, conclut-il.
J’étudiai la lettre à nouveau.
— Il croit avoir éventé un complot pour servir la cause de Marie Stuart. Il poursuit en ces termes : « Je ne sais encore de source sûre quel cerveau a conçu ce dessein ou en quoi il consiste, mais je retournerai bientôt chez les Mason de Lockhill et tenterai d’en découvrir plus. » Sir William… J’ai peine à croire…
— Que cela concerne les Mason que vous connaissez ? intervint Lady Mildred. Ce sont pourtant des catholiques fervents.
— Ils ont donné de l’argent afin de former des prêtres et de saper notre régime anglican, souligna Cecil d’un ton posé. En soi, cela relève presque de la trahison.
— Ils ne le considéraient pas ainsi, protestai-je. Depuis l’an dernier, je ne cesse de m’inquiéter pour eux et pour d’autres comme eux. Certains des catholiques que j’ai rencontrés étaient de braves gens, dignes d’estime et d’amitié. Je ne me suis jamais informée de leur sort, mais j’ai pensé à eux bien souvent. J’appréciais particulièrement Ann Mason. Elle ne mène pas une vie facile.
— Je le suppose. En fait, les autorités partageaient votre opinion pour l’essentiel. Ceux chez qui vous avez séjourné pendant votre voyage n’ont pas été inquiétés. Nous ne leur avons même pas imposé d’amende. La seule exception fut votre oncle, qui, réellement, était allé trop loin, et il n’en a pas beaucoup souffert. Il sortira bientôt de la Tour. Sa goutte cause de l’inquiétude et le Conseil est disposé à se montrer clément, après cet avertissement salutaire. Je vous assure, ni la reine ni le Conseil ne souhaitent s’immiscer dans la routine de foyers ordinaires, même lorsqu’ils versent des fonds à des œuvres douteuses. Cependant, cette lettre suggère davantage qu’un geste charitable.
— Mais… Vous vous êtes bien renseigné sur les Mason et… les autres ? Si quoi que ce soit avait paru anormal…
Ma voix n’était plus qu’un murmure.
— Certes, nous avons pris nos renseignements, convint Cecil. Nous avons examiné discrètement les affaires de Mason et de ceux qui avaient contribué à la formation des prêtres. L’indulgence n’empêche pas la prudence ! Les Mason, nous a-t-on rapporté alors, étaient loyaux et inoffensifs, en dépit de leur préférence pour le rituel catholique. Cette nouvelle information m’a beaucoup étonné. Cependant, ces derniers temps, je pressentais quelque chose – d’une envergure toute différente de ce que tramaient Dudley ou les anciens conseillers. Cela n’est donc pas une totale surprise. Le fait que Marie Stuart ne soit plus reine de France, mais se figure reine d’Angleterre, m’alarme bien davantage. Elle rôde telle une panthère échappée d’une ménagerie…
Malgré mon inquiétude pour Ann Mason, je ne pus m’empêcher de rire. Lady Mildred me fit écho. Cecil nous lança un regard peiné.
— Marie Stuart est une vivante invite à l’intrigue. Je n’ai jamais été très sûr de la compétence de l’agent que j’ai envoyé chez les Mason. Il a été déchargé de l’affaire. Mes doutes étaient probablement fondés ! Revenons à ce qui nous occupe. Certains indices confirment cette piste. Pour commencer, il y a le Dr Ignatius Wilkins. Il était prêtre au temps de la reine Marie ; il a dénoncé deux de ses paroissiens pour hérésie et les a fait brûler.
— Ses propres paroissiens ?
— Oui. Des gens simples, un tisserand et sa fille, répondit Cecil avec une colère sourde. Elle n’avait que dix-neuf ans. Tous deux ne pouvaient croire que le pain et le vin se transforment en chair et en sang, par pur mystère. Ils le dirent sans imaginer que leur franchise pût leur nuire. Pour eux, feindre n’eût pas été honnête. Rob Henderson, qui héberge votre petite Meg, passait par hasard dans la ville et fut témoin de leur supplice. Pas de son plein gré ; il se trouva bloqué par la foule. Il me décrivit plus tard leurs visages à travers la fumée, leur terreur et leur stupéfaction que ceci pût leur arriver… Il ne resta pas jusqu’au bout. Mais baste ! C’est fini. Rien ne les ramènera, déclara Cecil, maîtrisant ses émotions. Wilkins n’assume plus la charge
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