Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
Vom Netzwerk:
famille auraient pu l’y installer, ceux qui n’en avaient pas en auraient formé une en épousant une jeune indigène. Ils jouiraient de privilèges, constitueraient l’élite, une nouvelle aristocratie qu’on rappellerait dans les chansons populaires et dans l’histoire de la colonie.
    Sans oser me l’avouer, je trouvais moi aussi ce projet fascinant.
    Si Xéno devenait le héros d’une nouvelle patrie, je deviendrais peut-être son épouse. Moi, la petite Barbare d’un village oublié, je serais la mère de ses descendants et mon nom serait célébré auprès du sien. Ma longue aventure trouverait là un merveilleux épilogue, comme dans les histoires que racontaient les vieillards de Beth Qadà, comme dans le songe que j’avais caressé le jour où j’avais rencontré Xéno au puits.
    Était-ce pour cela que Sophos s’était effacé ? Ce n’était pas un homme comme les autres. Peut-être désirait-il que son ami cultivât le souvenir de l’homme qui lui avait ouvert la voie d’un destin glorieux et qui était ensuite rentré dans l’ombre. Je ne voyais pas d’autre explication, ou ne voulais pas en voir d’autre.
    Les réunions d’officiers se multiplièrent sous notre tente afin d’envisager les diverses opportunités qui s’offraient à eux. On comptait les hommes susceptibles de les suivre et donc de constituer la population d’une nouvelle colonie. On reparlait du Phase et de la Colchide où régnait un descendant du roi qui avait détenu la Toison d’or, une terre magique et riche où le commerce rendrait la colonie florissante et où l’on pourrait nouer des relations, des alliances et des traités avec d’autres cités et États.
    Ils rêvaient.
    Mais peut-être les rêves allaient-ils, cette fois, devenir réalité. Xéno continuait d’offrir des sacrifices aux dieux, aidé d’un devin qui nous avait suivis, comme tant d’autres, depuis le début de l’expédition. Il se demandait s’il fallait informer l’armée de ce projet ou le garder encore secret. Le bruit courait que de nombreux hommes étaient favorables à la fondation d’une colonie, mais certains souhaitaient rester sur place, d’autres étaient sensibles aux propositions de Timasion de Dardanos qui espérait les conduire dans ses domaines ou sur les terres voisines.
    Il était trop tard lorsque Xéno se résolut enfin à agir. Plus personne ne voulait retourner en Colchide, et les avis étaient si discordants à ce propos qu’aucun des projets esquissés n’aurait recueilli l’approbation nécessaire. Les hommes ne s’entendirent que sur un point : accepter la proposition du gouvernement de Sinope qui proposait de nous emmener à la limite de ses eaux. Cela nous éviterait une longue marche à travers le territoire d’une population aguerrie et dangereuse. Xéno répondit qu’il n’y consentirait que si l’armée était transportée d’un seul bloc. Il était hors de question de la scinder.
    Désormais, il s’était acquis estime et prestige parmi les soldats qui, réunis en assemblée, décidèrent de lui offrir le commandement suprême.
    Il refusa. Il se rendait compte que ce choix était l’expression d’une humeur passagère, que de vieilles rancunes, séquelles de la grande guerre, ressurgiraient tôt ou tard, et que, en tant qu’Athénien, il ne garderait pas longtemps le commandement d’une armée provenant presque exclusivement des territoires et des cités de la coalition ennemie et victorieuse. Un seul homme était capable de tenir ce rôle, affirma-t-il : Sophos.
    Sophos s’était peu à peu éclipsé, peut-être pour favoriser l’ascension de Xéno, mais, après le refus de ce dernier, il accepta une investiture officielle qui le replaçait, selon un acte formel de l’assemblée, à la place qu’il avait auparavant occupée.
    Je me demandais si les deux hommes s’étaient entendus au préalable, mais Xéno ne laissa jamais échapper le moindre mot à ce sujet. Sophos agit selon un plan précis qui, cependant, ne fut pas mené à bien. Je déduisis des événements qui s’ensuivirent que ce plan consistait à garantir la survie de l’armée dont le commandement serait laissé à Xéno. Non parce qu’il n’y avait pas d’officiers courageux et assurés capables de diriger l’armée, mais parce que Xéno était le seul à connaître l’ampleur du danger qui menaçait les troupes, et aussi le seul capable d’y parer au moyen de mesures adéquates.
    Le voyage se poursuivit

Weitere Kostenlose Bücher