Le Cercle du Phénix
croissante, Werner supervisait
les recherches du sanctuaire du Feu. Voilà cinq jours qu’il était sur les
lieux, mais les fouilles n’avaient encore abouti à aucun résultat probant. Et
Lady Killinton qui arrivait aujourd’hui… Il n’osait imaginer sa fureur
lorsqu’elle constaterait l’absence d’avancée… Seule consolation au milieu de ce
fiasco : le temps était moins rigoureux en Espagne qu’en Angleterre, et
Werner, qui supportait de plus en plus mal le froid avec l’âge, savourait
intensément la douceur du climat ibérique.
D’un pas lourd, il fit volte-face et se dirigea vers sa
voiture, se disposant à regagner l’ancienne demeure seigneuriale dans laquelle
il avait établi le quartier général du Cercle du Phénix et où devait déjà
l’attendre son chef. Lady Killinton le rejoignait avec quarante-huit heures de
retard sur le plan prévu ; peut-être était-elle au courant de sa trahison,
surtout maintenant que le vol de son carnet avait dû avoir
lieu. Il allait devoir jouer serré…
*
D’une humeur massacrante, Angelia allait et venait
nerveusement dans la salle du pazo. L’amertume, la déception
et la colère se mêlaient dans ses veines en un cocktail explosif. Elle ne
s’était certes pas attendue à disparaître ainsi de la mémoire de Cassandra. Que
sa sœur essaie de la tuer, passe encore, mais qu’elle l’oublie ! Voilà une
situation face à laquelle elle se retrouvait désarmée. Elle pouvait lutter
contre la haine ou la rancœur, mais l’oubli… Il n’y avait rien à faire contre
une telle horreur.
Elle ruminait sombrement ces pensées lorsque Charles
Werner entra d’un pas hésitant dans la pièce. Ravie de pouvoir déverser sa
fureur sur une victime expiatoire, Angelia fondit sur lui toutes griffes
dehors.
— Alors ?
demanda-t-elle d’un ton brusque sans même le saluer.
— Le
travail avance, madame, répondit Werner d’une voix dépourvue de la moindre once
d’enthousiasme.
— Comment
ça, le travail avance ? rugit Angelia en se rapprochant dangereusement de
son second. Ne me dites pas que vous n’avez pas encore trouvé le
sanctuaire ?
— Cela
ne saurait tarder, assura Werner d’un ton où perçait une confiance qu’il était
loin de ressentir en réalité.
— Les
recherches ne vont pas assez vite ! Le temps nous est compté, que
diable !
Angelia recommença à arpenter la chambre dans un
bruissement rageur de taffetas tandis que Werner en profitait pour s’asseoir.
— Je
dois être rentrée à Londres la semaine prochaine ! Lady Carlson marie sa
fille, et si je ne suis pas présente à la cérémonie, elle ne me le pardonnera
jamais.
Werner ferma les yeux, accablé. Que pouvait-il répondre
à cela ?
— Et
le mercredi suivant, j’ai le ministre de l’Intérieur à dîner…
Werner se redressa sur sa chaise et haussa un sourcil
goguenard.
— Vraiment ?
Je ne doute pas que vous n’ayez des choses fort intéressantes à lui révéler sur
les origines de la criminalité à Londres…
La jeune femme le foudroya du regard, les yeux
étincelants.
— Épargnez-moi
vos pathétiques traits d’esprit, Werner. Ils n’amusent que vous.
Essayant de se rattraper, Werner rassembla son courage
pour émettre une idée qu’il espérait judicieuse.
— Pourquoi
ne pas utiliser la voyante ? Cette Dolem en sait manifestement beaucoup
sur le sujet. Nous pourrions tenter de la faire parler, en recourant à la
torture si nécessaire, et…
Il s’arrêta net. Angelia venait de retirer une des
aiguilles qui retenaient ses abondantes boucles noires. L’aiguille à cheveux,
en bon métal et mesurant plus de six pouces, était décorée à son sommet d’un
croissant de lune en argent fin serti de perles et de rubis. Les pointes,
anormalement aiguisées, brillaient de manière inquiétante.
— Vous
êtes un sinistre imbécile, murmura Angelia d’une voix sourde. La pierre
philosophale ne peut être obtenue par une voie indigne. Il est hors de question
de porter la main sur Dolem.
Werner tiqua. Tant de délicatesse était plutôt
surprenant de la part d’une femme qui n’hésitait pas à trucider son prochain, à
commencer par Thomas Ferguson, pour arriver à ses fins.
Angelia continuait à arpenter la pièce d’une démarche
rapide. Fasciné, Werner suivait des yeux les oscillations alarmantes de
l’aiguille qui se balançait au rythme des pas de la jeune femme. Le point
culminant de la crise
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