Le Cercle du Phénix
fois, Cassandra remarqua le bandage
entourant sa main droite.
Leurs regards se croisèrent, emplis d’animosité
réciproque. La jeune femme prit l’initiative de rompre le silence.
— Je
suppose que vous êtes content de vous ? dit-elle en fixant Werner avec
autant de répugnance que si elle se trouvait face à un serpent.
— Assez,
oui, répondit Werner avec un sourire entendu. Il était de mon devoir de
chrétien d’informer Lord Ashcroft du passé de ce garçon. Cela lui évitera bien
des désagréments par la suite. Mais venons-en au but de cette rencontre, je
vous prie, Miss Jamiston. Mon temps est précieux.
— Tout
comme le mien, fit en écho une voix venue de la porte.
Cassandra et Werner se retournèrent en même temps.
Frileusement enveloppée dans une cape de zibeline, Angelia se tenait sur le
seuil du salon, un sourire carnassier aux lèvres. Derrière elle, dans le
couloir, des ombres se mouvaient, preuve qu’elle n’était pas venue seule et que
toute tentative de fuite était impossible.
Werner blêmit comme si un spectre était apparu sous ses
yeux, et la terreur déforma un instant son visage.
— C’est
impossible…, murmura-t-il d’une voix blanche. Comment…
Angelia les rejoignit d’une démarche ondulante, les
soyeux jupons de sa lourde robe à paniers bruissant à chacun de ses pas.
— Oui,
mon temps est précieux, répéta-t-elle d’un air enjoué. Je viens d’assister à un
assommant dîner en ville, et je n’ai qu’une hâte à présent, rentrer me coucher.
Ses prunelles violettes transpercèrent son second.
— Mon
cher Werner, ajouta-t-elle en lui décochant un sourire qui n’affecta que ses
lèvres, vous m’avez affreusement déçue. Je vous croyais beaucoup plus
intelligent. Votre sottise va vous coûter la vie.
Deux hommes masqués pénétrèrent dans la pièce et
encadrèrent Werner.
— Emmenez-le
dehors et attendez-moi, commanda Angelia.
Werner fut empoigné sans ménagement et traîné à
l’extérieur de la pièce. Au passage, il jeta un regard implorant à Cassandra.
Révoltée, celle-ci se tourna vers sa sœur.
— Tu
n’as pas changé, Angelia, dit-elle d’une voix dure. Tu aimes toujours l’odeur
du sang.
Une lueur d’allégresse éclaira le regard de la jeune
femme, et un sourire chaleureux s’épanouit sur ses lèvres.
— Tu
as retrouvé la mémoire ! Dieu merci ! L’idée que tu puisses ne jamais
te souvenir de moi m’était insupportable.
Un profond désarroi s’inscrivit soudain sur son visage,
et elle s’avança rapidement vers sa sœur. Cassandra recula, surprise par ce
brusque changement d’expression.
— Ne
me déteste pas, je t’en prie, la pressa Angelia en lui agrippant la main. Tu
m’as tellement manqué ! Je t’ai manqué aussi, j’en suis certaine. Je ne
veux plus que nous soyons séparées, plus jamais ! S’il te plaît…
Cassandra fut assaillie par une irrésistible sensation
de déjà-vu. De violentes émotions la submergèrent, peur, colère, amour,
désespoir, et une image surgie du passé se dressa devant elle, l’image d’une
petite fille brune aux yeux incandescents, qui tendait vers elle une main
suppliante :
— Grande
sœur, ne m’en veux pas… je l’ai fait pour toi… ne m’en veux pas, je t’en prie…
Une petite fille pour qui elle éprouva une immense
bouffée de tendresse.
Puis la vision s’évanouit, et Cassandra, troublée et
haletante, se retrouva devant Angelia adulte.
— Tu
es folle, dit-elle machinalement, complètement folle…
— Non,
je veux que nous soyons réunies, c’est tout. Pourquoi crois-tu que j’ai créé le
Cercle du Phénix ? Uniquement pour te retrouver et faire renaître notre
relation ! Grâce à l’organisation, j’étais persuadée qu’un jour nos
chemins se croiseraient de nouveau, et je ne m’étais pas trompée !
Cassandra frémit et se dégagea de l’étreinte de sa sœur
d’un mouvement brusque.
— Ne
me rends pas responsable de tes crimes ! protesta-t-elle d’un ton
horrifié. Ce serait trop facile !
— Telle
n’était pas mon intention ! se défendit Angelia d’une voix apaisante. Tu
m’as mal comprise, ma chérie.
— Vraiment ?
— Ce
que j’essaie de te dire, poursuivit la jeune femme avec exaltation, c’est que
toi et moi sommes semblables. Nous sommes comme les deux faces d’une médaille…
— Tu
te trompes, l’interrompit sèchement Cassandra. Tout nous oppose,
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